Billi (Awkwafina) est une Sino-Américaine vivant à New-York avec sa famille immigrée de Chine depuis qu'elle est toute petite. Mais cette dernière découvre que sa Nai Nai (sa grand-mère) est atteinte d'un cancer du poumon et qu'il il ne lui reste que quelques mois à vivre. La famille Wang revient au nid familial pour soutenir la matriarche dans ses derniers moments. Seul problème, Billi découvre que la seule membre de la famille à ne pas être au courant de cette disparition prochaine n'est autre que Nai Nai elle-même. Et tous les membres de la famille sont convaincus de la bonne foi de ne rien lui révéler. Cette loi du secret va être un véritable poids à porter pour Billi qui va mesurer toute l'étendue de la distance qui la sépare de ses origines culturelles, mais du même coup, elle va mesurer tout l'amour qu'elle a pour sa grand-mère.
Quand Lulu Wang écrivit The Farewell, c'est sa vie passée qu'elle avait en tête. Cette autobiographie est l'histoire d'une femme découvrant le cancer de sa grand-mère qui a mis en exergue le fossé entre elle et sa famille et ses traditions. Une femme tiraillée entre deux cultures fondamentalement opposées.
L'ombre de cet écartèlement plane tout le long du film.
S'incarnant à travers Awkwafina (qui a grandi dans une situation similaire), la réalisatrice lui fait traverser les tourments de ce secret familial. Capable de faussement sourire pour cacher sa tristesse à Nai Nai comme de céder aux pleurs et à la crise devant le reste de sa famille une fois isolée. Chaque passage témoignant de ce que Billi a oublié se reflète dans son regard.
Grâce à ce secret si jalousement gardé, Lulu Wang extrait de toutes les directions les tenants et les aboutissants de ses regrets. Chaque réplique d'un membre de la famille dissimule une vérité douloureuse et chaque réplique de Nai Nai, ignorante de son sort, insuffle au spectateur un soupçon d'ironie et de pitié à son égard. La caméra la place comme la meneuse de la famille mais c'est la famille qui la mène en bateau pour son bien être.
Sûr de l'efficacité de son propos, le film propose au spectateur d'explorer ses limites morales devant la situation. Ce qui est anormale pour Billi est de ne pas révéler à sa grand-mère sa mort prochaine, ce qui est anormale pour la famille est de le lui révéler. Billi ayant été baignée dans la culture occidentale individualiste doit s'efforcer de comprendre la mentalité collectiviste de sa famille. Mais Lulu Wang étant garante de ces deux versants n'impose aucun jugement. Dès lors que Billi accepte le secret, The Farewell se revendique comme l'introspection de ses propres origines.
Ainsi, Billi qui se trouvait dans une impasse va apprendre à avancer en regardant en arrière. Elle fait la paix avec ses regrets, elle va renouer avec les traditions de sa culture, elle va ressouder ses liens avec sa famille et surtout elle va aimer sa grand-mère plus que jamais, tout comme cette dernière va lui donner le déclic pour reprendre sa vie en main.
Autant qu'il est un moyen d'extraire ses souvenirs conflictuels pour pouvoir être en paix avec elle-même, The Farewell est un film de sentiments pour Lulu Wang. A la fois touchant et drôle. "Un bon mensonge" comme il est dit dans le film, une fiction nourri des souvenirs de la réalité. Une fiction réelle qui rappelle que derrière les différentes cultures, les sentiments forts sont toujours les mêmes.