L'Adverseur
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Satyajit Ray est sans doute un des plus grands et des plus prometteurs continents (en grande partie) inexplorés, dans l'horizon actuel de mes expérimentations cinématographiques. Malgré l'ampleur de la tâche le rythme reste très modéré, environ un par an, mais l'infusion passive a posteriori de ces films est très agréable et ils laissent s'exprimer une diversité que je n'avais pas soupçonnée.
Du peu que je puisse en juger Ray n'a jamais été un fervent défenseur des conventions dramaturgiques, mais force est de constater qu'il y a dans L'Adversaire une tentative vigoureuse de communiquer "différemment" l'état d'esprit de son protagoniste, un jeune étudiant en médecine ayant été contraint d'abandonné son cursus suite à la mort brutale de son père. Il est confronté du jour au lendemain au monde du travail, et plus précisément au monde impitoyable de la recherche de travail à la fin des années 60 indiennes — on croise dans les rues de Calcutta des hippies américains, chose pas surprenante en soi mais plutôt étonnante dans l'écrin du cinéma.
C'est un univers confus, brouillé, celui d'une révolte intérieure qui bouleverse presque constamment le jeune homme dans sa quête et qui électrise régulièrement la pellicule — les inserts à la lisière de l'expérimental sont très nombreux et surviennent sans crier gare, que ce soit via des images en noir et blanc inversé, des clichés presque subliminaux ou des séquences plus longues. Des flashbacks, parfois, viennent se superposer au regard du protagoniste pour évoquer un cours de médecine ou quelque autre souvenir du passé. Ray, à travers ces flashs presque pathologiques, évoque l'emprise du travail à la ville et sa capacité à écraser les faibles, les rêveurs, les anticonformistes. La séquence abjecte de l'entretien avec une petite centaine de candidats, entassés dans un couloir qui ne compte pas assez de chaises ni de ventilateur, est à ce titre particulièrement éloquente dans son abjection.
Un film d'errance, psychologique pour beaucoup, montrant à quel point Siddharta se sent pris en étau par une multitude de contraintes, l'absurdité du monde du travail, l'indépendance de sa sœur, les préoccupations de son frère ou de son camarade de chambre, l'injonction de la famille qui se fond avec celle des recruteurs... Le chaos de son monde transparaît clairement dans la mise en scène, aussi sèche qu'agréablement confuse, témoignant son chaos mental et les nombreuses digressions qui l'animent. Seul le personnage de l'étudiante suscitera un électrochoc positif qui lui fournira l'énergie nécessaire pour refuser l'humiliation et renverser une partie des rapports de force. Enfin il dépasse l'indécision qui le paralysait et embrasse une révolte contre ce qui anesthésiait son intégrité.
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Créée
le 16 août 2021
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