Je ne me lasse pas de ce film. A chaque fois que je le revois, je suis toujours autant fascinée par Daniel Auteuil, dans la peau de Jean-Claude Romand, ce mythomane radical, qui est allé jusqu'au bout de ses mensonges, au risque de se perdre et der perdre les siens.
J'ai envie de saisir les subtilités du "monstre".
Je me pose quantité de questions sur lui. Comment il se débrouille, se dépêtre des situations ubuesques qu'il crée constamment ? Que ressent'il exactement ? A t'il de l'amour pour sa femme, pour ses enfants, pour ses amis, pour sa maîtresse ? Ses sentiments sont-ils sincères, lui qui ment jour et nuit, non stop ? Comment occupe t-il ses journées ?
Quelle est la source du mensonge originel ? Quelle enfance a t'il eu ? Quel genre de traumatisme a t'il subi ?
Comme une vision au scanner, je voudrais tout savoir, le découper en tranches, pénétrer son cerveau.
Mais le mystère reste entier et c'est ce qui fascine.
On est tour à tour agacé, furieux contre lui, ému rarement (notamment dans son rôle de père attentionné). On va même jusqu’à avoir pitié. Puis on le déteste à nouveau, très souvent. Quand il pleure, après son escapade dans les bois et qu'il revient blessé, je ne sais pas vous, mais ses pleurs me gênent horriblement. En quoi cet homme qui fait tant souffrir les autres a t'il le droit de pleurer, de se laisser au désespoir ? Ne l'a t'il pas cherché ? J'ai rarement détesté autant un personnage au cinéma.
Et là Auteuil révèle tout son génie, car sur ses traits, on lit les multiples facettes de ce personnage insaisissable, tellement déroutant. Il interprète l'inexplicable et voilà, je trouve cela très fort.
Emmanuel Carrère, qui a écrit le roman éponyme ayant largement inspiré Nicole Garcia, l'a dit : il a tenté de s’approcher de Jean-Claude Roman, d'en faire un portrait au plus près, mais finalement y est-il parvenu ? Il s'interroge. Qui comprendra vraiment ce personnage ?
Jean-Claude Romand lui-même, quand Emmanuel Carrere prend contact avec lui, pour écrire son livre, lui répond qu'il essaye lui-même de comprendre pourquoi il a commis ce crime qu'il regrette.
Il faut noter également la délicate interprétation, très subtile, d'Emmanuelle Devos, en maîtresse charmeuse, désarçonnée, puis totalement apeurée dans la scène de la tentative de meurtre en forêt (scène incroyable, inoubliable).