Attention, cette critique comporte des spoils.
J'ai eu envie de revoir ce film 24 ans après la première fois, et j'ai ressenti à nouveau la même émotion face à ce duo de filles tellement touchant, qui parfois aussi, m'a arraché quelques rires. J'ai tant aimé à nouveau leur relation, leur vivacité d'esprit, leur fantaisie, leur esprit rebelle.
Isa est si empathique. Elle souhaite être libre, comme sa comparse Marie, mais dans un registre plus doux, moins révolté.
Personnage central de cette fiction, on vit, on ressent avec elle.
Cette jeune femme à la coiffure en bataille et au franc parler peut être vue comme la cousine de Mona de Sans toit ni loi d'Agnès Varda.
Comme Mona, elle navigue avec son sac à dos, à la recherche d'un point de chute, vivant de petits riens et de petits boulots pour survivre. Elle se lie facilement et fera des rencontres au gré de ses déambulations.
Très débrouillarde, on sent qu'elle s'en tirera par son bon cœur, sa compréhension des autres et la richesse de sa vie intérieure.
Elle n'est pourtant pas prête à toutes les concessions et est exigeante en amour, bien qu'elle donne son amitié assez facilement.
Marie, interprétée par Nathacha Régnier est plus abrupte, rebelle et parfois agressive.
On perçoit de temps en temps des failles et les raisons de sa révolte, notamment lors d'une séquence où elle retrouve sa mère venue lui rendre visite.
Elle confiera alors à Isa ses mauvaises relations avec ses parents, surtout avec son père, jugé par Marie comme "un fou furieux qui ne peut pas changer".
On imagine les moments de douleurs de son passé qui explique son éloignement du milieu familial mortifère et sa soif de liberté, de ne dépendre de personne.
Marie est comme Isa, en quête d'une vie libre, de relations pourquoi pas amoureuses, sans vouloir s'attacher.
Elle sera cependant rattrapée par un amour -passion avec Chris qui l'attire irrésistiblement malgré tout ce qui les oppose.
Malheureusement, mal tombée, cette relation dans laquelle elle place beaucoup d'espoir l'a fourvoyera. Car Chris est d'un autre monde. Il veut bien se frotter un moment avec cette fille paumée, bizarre qui l'attire mais sans prolonger cette relation qui l'embarasse, lui le fils bourgeois, plein aux as qui peut avoir toutes les filles qu'il souhaite à ses pieds.
On peut voir Marie comme une sorte d'ange qui se brûle les ailes.
C'est d'ailleurs douloureux d'assister à celà, à la brouille entre les deux amies.
On s'attend d'ailleurs à ce que ça se termine mal.
L'interprétation d'Élodie Bouchez en Isa est vraiment admirable et bouleversante. Sa sensibilité transparaît tellement dans ses mimiques, ses regards, son sourire fondant et dans la douceur de ses gestes.
Elle a également un brin de folie et une gaïté qui rayonnent. La précarité ne l'enfonce pas. Elle garde son.optimisme même si la situation dégradée avec son amie lui pèse.
C'est un petit cœur tout doux, tout sensible, capable de s'attacher à une jeune fille dans le coma dont elle a découvert le journal intime et qu'elle va visiter à l'hôpital.
On a envie de la serrer dans nos bras, Isa.
C'est la bonté même et l'indépendance salvatrice, capable de parler de sentiments, d'aller vers les autres tout en gardant sa dignité. J'ai énormément apprécié ce personnage.
Le premier long d'Éric Zonca est très impressionnant et a bien mérité ses nombreux prix, ainsi que les deux interprètes principales.
Le plan final nous ramène à la volonté naturaliste du réalisateur de montrer des destins, des visages d'ouvrières. Des anges ou des démons, on ne sait pas. Isa elle est un petit ange parmi elles, poursuivant son bonhomme de chemin.