Procès en huis-clos

C’est sur plateforme (Paramount+) et à titre posthume qu’il nous est finalement donné de découvrir le dernier film du réalisateur William Friedkin.

Lui qui avait su proposer un cinéma à sensation, avec bien sûr l’un des plus grands films d’Epouvante-Horreur du 7e Art, L’Exorciste, mais aussi avec de beaux succès comme Le Convoi de la peur, French Connection, ou plus récemment Killer Joe au début des années 2010 ; il clôt sa carrière sur un film relativement mineur.

Son dernier tour de piste, L’Affaire de la mutinerie du Caine, est un long métrage à l’économie restreinte : un film de procès qui se déroule en huis-clos total dans les locaux d’une cour martiale de l’US Navy. Adapté du roman Ouragan sur le Caine d’Herman Wouk (qui avait d’ailleurs donné un film éponyme signé Edward Dmytryk au milieu des années 50), L’Affaire de la mutinerie du Caine prend malheureusement les airs de téléfilm gentillet, à la mise en scène éminemment théâtrale.

Le film retrace le procès du Lieutenant Maryk, le second du destroyer de mines sous-marines Le Caine, qui avait pris la liberté de relever de ses fonctions le Commandant Queeg alors que le navire était au bord du gouffre, pris dans une tempête dantesque.

Le personnage principal du film n’est cependant pas le Lieutenant Maryk, mais son avocat Greenwald, commis d’office à contrecœur, dont la tâche est de faire passer la mutinerie de son client pour un acte courageux et de sang-froid face à l’instabilité émotionnelle et la santé mentale dégradée du Commandant.

La progression du procès est adroitement menée (notamment par une mise en scène très classique mais soignée). Mais le spectateur devine malheureusement bien vite où le réalisateur cherche à l’emmener. La succession des témoins, d’abord ceux de la procureure, puis ceux de la défense, devient vite répétitive. Chacun donne son opinion sur les événements, du déroulé de la mutinerie lors de la tempête, mais aussi des petites crises de colère du capitaine dans les semaines qui ont précédé la mutinerie. Tout cela est très convenu, et l’on en vient à trouver le tout assez répétitif…

Pour faire de L’Affaire de la mutinerie du Caine un grand film de procès, Il aurait fallu, des coups d’éclats et de grands rebondissements dans les déclarations des témoins. Or, chacun reste bien à sa place, dans son rôle, sans créer de surprise.

Les plans trainent en longueur et le film s’embourbe progressivement dans des dialogues verbeux.

Pourtant, tout n’est pas à jeter dans cette Affaire du Caine. L’épilogue, qui a lieu à l’extérieur de la salle d’audience, offre une petite respiration, et il faut saluer la performance des acteurs, notamment de Jason Clarke qui interprète l’avocat Greenwald, un habitué des seconds rôles, par exemple dans Oppenheimer de Nolan, First Man de Chazelle, ou encore Le Diable, tout le temps d’Antoni Campos. Il est accompagné en tête d’affiche par Kiefer Sutherland, notre éternel Jack Bauer de la série 24 heures chrono, qui livre ici une prestation tout à fait convaincante.

L’Affaire de la mutinerie du Caine n’est donc pas un grand film, mais saura tout de même ravir les fans inconditionnels de films de procès. Il restera surtout comme l’ultime film de l’un des grands cinéastes du Nouvel Hollywood, qui a participé dans les années 70 à réinventer les codes du film d’horreur.