On a tous entendu parler des frères Lumières ou de Georges Méliès, mais jamais, au grand jamais on n’a entendu parler d’un certain Louis Aimé Augustin Le Prince, un ingénieur et brillant inventeur qui a tragiquement disparu à l’orée de ses 50ans.
Son nom ne vous dit rien et c’est bien dommage. En effet, en France, on a tendance à attribuer la paternité du cinéma (au sens large) à Auguste et Louis Lumière, d’ailleurs, je vous recommande chaudement ce brillant documentaire qui retrace leur carrière : Lumière ! L'aventure commence - 2017). Sauf que c’est très réducteur de résumer l’invention du cinéma aux Lumière, ce n’est pas aussi simple et grâce au formidable travail de Patrick Rebeaud, ce dernier remet sur le devant de la scène, un homme avec un grand H, un inventeur de génie qui, 3ans avant Thomas Edison & 7ans avant les Frères Lumière, avait mis au point une caméra, lui permettant de capter des scènes animées (de "filmer" bien avant Edison ou les Lumière !). S’il n’est pas connu en France, Leprince bénéficie d’une toute autre aura à l’étranger, puisqu’il a essentiellement exercé en Angleterre et aux États-Unis. En Grande-Bretagne, ce dernier est même reconnu comme étant l’un des pères fondateurs du cinéma !
L'Affaire Leprince, le cold case de l'histoire du cinéma (2019) revient sur l’incroyable parcours de cet homme et surtout, sur sa mystérieuse et tragique disparition. En effet, le 16 septembre 1890, Leprince se rend à Paris en prenant un train depuis Dijon, sauf qu’il n’arrivera jamais à bon port. Son frère qui l’avait accompagné sur le quai de la gare ou ses amis qui l’attendaient à Paris ne le reverront jamais. Sa femme qui vivait aux États-Unis n’aura plus aucune nouvelle de lui. A-t-il tout simplement décidé de changer de vie ? Lui est-il arrivé un malheur ? Kidnapping ? Suicide ? Meurtre ? Les questions sont nombreuses, les hypothèses aussi et les pistes sans réponses le sont tout autant.
Leprince fut l’un des pionniers du cinéma, au début des années 80, il invente même une caméra à 16 objectifs (!) dont le rendu laisse perplexe et surtout, non exploitable pour une projection grand public. Mais Leprince est sur la bonne voie et s’apprêtait à faire la découverte du siècle s’il n’avait pas subitement disparu.
Le réalisateur dresse le portrait de Leprince et s’attarde aussi sur Thomas Edison qui, de part son statut, avait la main mise sur beaucoup de choses aux États-Unis et ne se privait pas pour, soit voler des brevets, soit pirater des films (et oui, déjà !), notamment le célèbre Voyage dans la Lune (1902) de Méliès, qu’il projettera aux États-Unis sans l’accord du réalisateur et encore moins sans lui reverser le moindre dollar.
A cette époque, nombreux sont ceux qui tentent de percer les mystères de la photographie et de ce qui deviendra le cinématographe. Sur les starting-blocks se trouvent donc Edison (USA), les Lumières (FR) et Muybridge (UK), ainsi que Leprince. Le film revient donc sur la fameuse question qui taraude les experts, à savoir qui est réellement l'inventeur de la prise de vue cinématographique ? Car chacun dans son propre pays était déjà bien avancé sur le sujet. Chacun avait déjà essuyé des échecs comme des prouesses. Est-ce que la disparition de Leprince a un lien avec sa trouvaille ? Est-ce le fruit d’un concurrent qui aurait souhaité l’éliminer pour s’accaparer son invention ?
Beaucoup de questions et de pistes évoquées durant ses (trop) courtes 52min. Patrick Rebeaud a fait un très beau travail de recherches, aidé par les nombreuses interventions, notamment Laurent Mannoni (Directeur scientifique du patrimoine de la Cinémathèque française) ou encore Jacques Pfend (le cinéphile chercheur). Un documentaire extrêmement dense et passionnant, tellement captivant que l’on en redemande.
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