Pour le grand public, il était le tueur de l'Est Parisien. Un surnom qui a longtemps fait peur dans les années 90.
Pour le Quai des Orfèvres, plus pragmatique, il s'agissait de traquer SK1, le premier serial killer reconnu en tant que tel.
Une fois confondu et arrêté, on l'appellera Guy Georges, l'homme qui se cache derrière une des figures criminelles contemporaines françaises les plus connues.
Si L'Affaire SK1 ne peut faire l'impasse sur ce qu'il se passe dans sa tête, le film s'intéresse d'abord à sa traque. Celle de la bête sauvage menée par un petit nouveau du 36 cousin du gendarme Abgrall dans son obsession et son implacable enquête. Qui commence sur un seul nom, celui du premier dossier qu'il est chargé de relancer : Escarfail. Les origines du mal sont là. Captivant son spectateur dès la première minute pour ne plus jamais le relâcher ensuite. Ce dossier, qui échappe longtemps à sa résolution, rythme la vie de Magne, tant professionnelle qu'intime, s'agrippant à elle pendant sept ans de sa carrière.
Cette enquête, Frédéric Tellier, de manière astucieuse, la monte en parallèle avec le procès du monstre, exposant les doutes, les déceptions, toutes ces pistes au départ évidentes et séduisantes, menant à des impasses. Ses tâtonnements, ses renseignements anonymes aussi, polluant les investigations. Les coups de chance, les hasards, les occasions manquées, tout ce qui peut faire basculer une enquête ou, au contraire, y mettre un coup d'arrêt. Les rivalités inter-services futiles. Et cette justice angélique pour qui il ne peut y avoir des monstres, mais seulement des hommes en souffrance.
Loin de la douleur indicible de ceux qui restent, qui survivent, ou de ces flics rongés par l'impuissance et la colère quand une nouvelle victime tombe sous les coups de couteau de l'insaisissable. Et ce doute, constant, parce que nécessairement, ils se disent qu'ils sont passés à côté de quelque chose.
On ne verra jamais ni l'assassin ni le violeur en action. Seulement des photos fugitives rougies, des dossiers, des rapports. Frédéric Tellier évite le plus possible de racoler, ou encore de sombrer dans le sordide. Au contraire, son sens de l'intime force l'admiration. La réalité est assez glauque pour éviter d'en rajouter dans la fiction.
Et il reste les confessions de Guy Georges, justifiant à elles seules l'imbrication de l'enquête dans le procès de sa bête. La première, à la suite de son arrestation, où il décrit sa première agression de manière très détaillée, sans affect. Où le hasard des circonstances fait froid dans le dos, tout comme les pulsions de mort qui consument Guy Georges et qui devaient être assouvies.
La seconde lors de son procès, en deux temps, d'abord celui d'un réflexe trahissant ses mensonges, en forme d'aveu muet. Puis le soulagement, après avoir longtemps nié les faits. Le monstre troque alors son aura de figure du mal contre un masque humain de façade, pathétique, le visage déformé dans une grimace grotesque, en avouant enfin sa culpabilité tout en détaillant la longue suite de ses victimes.
Et alors que les premières notes du générique de fin s'envolent, on ne peut s'empêcher de se souvenir de toutes ces vies enlevées et de cette souffrance endurée. Et de penser que la réalité ne dépasse pas la fiction, elle l'étrangle.
Behind_the_Mask, obscur et sang gloire.