Il fut un temps où le jugement pénal était ce qu'il devait être, une réaction de la société face à un crime, devant réparer le mal fait, sanctionner à la plus juste proportion et de manière la plus humaine et la plus digne le condamné pour le faire avant tout réintégrer la société : qu'il s'amende et apporte au Monde ce qu'il lui lui a enlevé auparavant. Ce temps là était le temps où la personne qui se trouvait au centre du droit pénal était le prévenu. Aujourd'hui, et ce documentaire, de qualité par ailleurs, le prouve bien, dans tout son ridicule et ses odieuses manières, la victime a pris le pouvoir sur le procès pénal. Elle fait pleurer dans les chaumières, l'on se gargarise de sa pureté, de son innocence, de sa joie de vivre et de sa toute grandiose légitimité : avoir victime été d'un acte mauvais béatifie celui qui le subit. Il n'y a plus de complexité, de nuances, de contexte, de moment unique : non, un acte transforme tout à coup une relation mêlée de dominations passagères et cycliques, marquée par une histoire bien loin du manichéisme en une binarité insupportable. Il y a le coupable, le méchant, le mauvais, le terrible face à l'ange, la sainte, la traumatisée, l'incontestable idole de la justice actuelle. Si vous souscrivez à cette vision des choses, sans doute êtes vous restés globalement coincés dans un niveau CP de maturité intellectuelle et émotive, en tout cas c'est exactement ce que fait ce reportable : un portrait à charge et sans nuance d'un prétendu manipulateur, assassin, quasiment la représentation du Diable, face à de pauvres petites choses fragiles bafouées. Quelle simplicité d'esprit affligeante!
"C'est le crime le plus odieux que j'ai eu à juger de ma carrière et je demande aux policiers de remettre cet individu aux soins de l'institution pénitentiaire jusqu'à la fin de ses jours". Cette phrase, sortie de la vénérable bouche d'un juge, à savoir celui qui doit rendre la justice, m'a glacé le sang car elle révèle exactement le contraire de la justice : ici, le juge se venge, il condamne à vie et ne laisse aucun espoir d'amendement ou de rédemption. Pire, il fait de la morale. Il laisse pleurer les proches des victimes à la barre qui crient au désespoir. Jamais il ne remet l'accusé au centre des débats, jamais il n'imagine entrer dans son esprit autrement que par pitié pour les victimes, jamais il n'imagine une porte de sortie pour celui dont il a la charge. Ah, qu'il est facile de larmoyer sur les victimes disparues, sur le deuil des proches, de tenter d'incarner la douce morale puritaine américaine qui, bien sûr, a dans sa société toute légitimité pour pouvoir juger un criminel alors qu'elle en a commis tant et tant auparavant et aujourd'hui. Cette arrogance profonde de cette justice américaine, de cette presse nauséabonde, de ces policiers infects et vulgaires : tout ce petit monde croyant œuvrer pour le bien entretienne une dégueulasserie absolument profonde qui porte le nom de destruction de la justice par l'instauration de la victimocratie. Si la France y échappe encore un peu, des récents sondages montrent que 53% des Français seraient favorables au retour de la peine de mort. L'enfer des victimes est proche, et il est toujours pavé de bonnes intentions. Il oublie toujours qu'au fond de tout ça : le coupable est toujours un peu victime, et la victime un peu coupable, à l'image de ce que l'être humain est, dans toute sa splendeur et son ignominie.