Mr Sendman, bring me a dream...
Je n'ai jamais vu un film commencer de manière aussi catastrophique et se rétablir en cours de route.
Le début se passe dans une ville sous cloche où l'humanité vit dans la consommation insouciante et les loisirs. Mais chacun a un cristal, qui devient rouge vers 25 ans, et à 30 ans, on doit aller dans une sorte de centrifugeuse pour être carbonisé en public, soi-disant pour renaître. Quand quelqu'un essaie de fuir, on envoie des limiers (sendmen) rattraper les fugitifs (runners). Logan 5, un sendman fasciste manipulé pour se faire passer pour un fugitif va avoir pour mission de trouver un "sanctuaire" sur lequel l'ordinateur se pose beaucoup de questions. Il embarque une fille dans cette odyssée. La cache des runners est trouvée, mais Logan fuit hors de la ville avec Jessica.
Et jusque-là, c'est infect. Les maquettes de ville filmées de pas trop près mais qui font quand même toc, les permanentes, les pyjamas ridicules, tous les effets spéciaux dégueulasses (la désintégration qui n'a rien à envier aux "Gendarme et les extraterrestres"). Mais aussi une absence de rythme, des scènes d'action pratiquement toutes ratées, une vision futuriste issue d'un âge industriel prénumérique qui aujourd'hui semble complètement désuette, un manque d'inspiration à décrire cette société jouisseuse (les gens semblent occupés à se balader en souriant sur des places publiques). Allez, il y a une idée que je trouve bien : quand on veut coucher, on se place sur le réseau, qui vous trouve automatiquement un partenaire, de quelque orientation sexuelle que vous soyez. Sinon, beaucoup de trous scénaristiques qui ne seront jamais comblé : qui a créé la ville ? qui a programmé le cristal ? Etc...
Et puis, à partir du moment où Jessica et Logan commencent à se tenir par la main, ça se bonifie peu à peu. Les décors restent toc, mais ça prend l'air d'un des premiers tomes de Valerian, et l'on se dit que l'idée est bonne, même si le décorateur aurait dû être fusillé.
Une fois qu'ils sortent à l'extérieur, le film prend la même ampleur que "La planète des singes" (c'est d'ailleurs drôle de voir à quel point Michael York se donne du mal pour incarner une version fluette de Charlton Heston). Nos deux fugitifs découvrent le monde extérieur, ses contraintes. Leur cristal perd sa couleur rouge : ils pourront vieillir. Explorent, ont faim. Trouvent Washington désaffectée (l'obélisque au milieu des roseaux, la bibliothèque du Congrès envahie de chats, la Maison Blanche couverte de lierre... Très poétique). Dedans, une sorte de Chalcas brillamment interprété par Peter Ustinov. Un homme vieux : nos héros n'en reviennent pas. Après une baston avec l'ancien collègue sendman de Logan, ils décident de ramener le vieil homme dans la cité, pour convaincre les gens et les libérer. Le dénouement est pas mal, même si on repart dans le délire des effets spéciaux pourris.
Dans les contre-utopies, "L'âge de cristal" se plante un peu, car il n'arrive pas à dénoncer tout ce qu'il voudrait dénoncer de manière tout à fait cohérente. Il n'empêche, c'est rare de voir un film s'en prendre autant au jeunisme et à la société de consommation, donc profitons-en. Mais c'est finalement comme film post-apocalyptique que "L'âge de cristal" se creuse un trou confortable. Vision bizarrement douce et apaisée d'une Terre où subsiste juste un vieillard gâteux et ses chats, c'est poétique. Le film aurait gagné à couper dans la première partie, qui est dépourvue de rythme, et à développer celle-ci.
Le changement dans la qualité du film est véritablement spectaculaire, à croire que deux personnes différentes étaient à la réalisation. Comme quoi, il faut toujours regarder un film jusqu'à la fin.