Le quatrième long métrage de Gerard Pirès est un film vraiment très curieux qui porte dans ses vingts premières minutes les promesses d'un vigilante movie limite précurseur de Mad Max avant de prendre de bien curieux chemins de traverses comme si le ton du film n'était plus du tout en phase avec son sujet.
Le film raconte donc l'histoire d'un homme qui se fait agresser avec sa femme et sa fille sur la route des vacances par une bande de motards. En se réveillant après l'agression l'homme constate que sa femme et sa fille sont mortes et débute alors pour lui un long processus de vengeance.
Durant vingt bonnes minutes, Gerad Pirés parvient à poser les bases d'un solide thriller avec une tension palpable et une belle dimension dramatique. La confrontation entre cette petite famille tranquille et ses loubards à motos possède une vraie intensité digne d'un pur film de genre; quant au réveil dramatique de cet homme qui a tout perdu simplement éclairé par intermittence par le gyrophare bleu de la police est vraiment une belle scène de cinéma. Voilà, tout est en place pour un bon vigilante movie sur l'asphalte brûlant des routes de France avec en toile de fond cette peur très seventies des loubards , des blousons noirs , des motards et des chaînes de vélo ... Malheureusement l'intensité dramatique retombe à plat devant le flegme ahurissant et limite ridicule de cet homme qui vient de perdre sa femme et sa fille et qui semble s'en battre mais royalement les steaks. Le personnage interprété par Jean Louis Trintignant semble alors limite hors sujet et ce n'est pas sa relation avec la sœur de sa femme tout juste enterrée qui va arranger la crédibilité de l'ensemble. Cette jeune femme interprétée par Catherine Deneuve semble elle aussi bien détachée de la mort de sa frangine et de sa nièce au point de batifoler direct avec le veuf joyeux lors d'une scène étrange durant laquelle Jean Louis Trintignant bourré lui court après pour la violer en répétant "Je veux te baiser ".... Le vigilante movie part alors en vrille en se déclinant sur un ton nonchalant , flegmatique de comédie dramatique pas totalement désagréable mais pas vraiment approprié. Jamais on ne ressent un homme rongé par la souffrance ou la détresse ce qui atténue grandement la crédibilité de sa quête de vengeance
Il y-a parfois un aspect décalé, un côté pince sans rire de comédie noire qui fait glisser le film vers l'étrangeté la plus totale qui fait parfois penser à du Bertrand Blier. J'ai par exemple du mal à croire que Pirès soit très premier degré lorsqu'il nous propose une scène d’identification judiciaire de mecs avec des casques intégrales de motos (??) Un des plaisirs de ses "vieux" films est de reconnaître de nombreux talents alors débutants dans des petits rôles, et dans le cas présent c'est un festival puisque le film permet de voir dans des petits rôles Daniel Auteuil, Robert Charlebois, Valérie Mairesse, Tony Gatlif ou Etienne Chicot ...
L'agression est vraiment un film très étrange dont la singularité fait incontestablement autant la force que la principale faiblesse.