Allons chasser du Picte !
Hier soir j'ai vu Agora et j'ai beaucoup aimé. Je me suis dit qu'il serait bon d'en faire une critique. Au final, il est assez rare de disposer d'un film estampillé "péplum" tenant historiquement la route. On a souvent du spectaculaire, du casting de star mais c'est tellement pauvre au regard de la réalité historique qu'on se retrouve le cul entre deux chaises. A la joie de se divertir, s'oppose assez vite le constat navrant que le spectateur moyen qui a bien souvent stoppé le latin en cm2 et qui n'a pas fait mieux en grec ancien, laissant l'assyrien et le hittite à son frangin (merde, en fait il n'a qu'une soeur), va penser que Troie ou Gladiator sont de sacrées bonnes reconstitutions historiques. Oui, mais non.
Vous allez me dire, je suis venu pour lire une critique de l'Aigle de la neuvième légion : ce n'est pas faux, j'y viens. Avant de vous proposer ma prose sur Agora, je me suis souvenu que dans le genre "film antique powa" j'avais l'histoire d'Aquila sous la main. Alors allons-y !
Techniquement le film tient la route sans viser de titiller le moindre oscar ; le cadrage, le côté "estampillé filmé à l'épaule", les travelling, la lumière, il n'y a pas grand chose à redire. Les scènes d'actions, parfois confuses, sont efficaces et au-dessus de la moyenne. Le duo principal, Channing Tatum et Jamie Bell s'en sort bien, le premier campant même un Aquila au final, j'assume complètement, au moins aussi convaincant que le Maximus porté aux nues. Reste le rythme, une convalescence un poil trop longue alors qu'on attend simplement le départ pour l'aventure.
Mais alors pourquoi une telle note pour un film vraiment sympa à regarder, sans faille majeure mais pas non plus exceptionnel, en dessous par exemple d'Agora. Et bien parce que, justement comme ce dernier, ce film dispose d'une bonne base historique, d'un travail sérieux sur le sujet et, surtout, d'une âme. Il ne s'agit pas totalement d'un péplum mais plutôt de l'histoire de deux hommes que tout oppose et rapproche à la fois. Il s'agit d'une virée dans une contrée antique et sauvage où les Pictes, très bien rendus et filmés, nous offre une vision beaucoup plus proche des Barbares que tout ce qui a été fait par le passé, à commencer par les ridicules adversaires Germains ouvrant la scène introductive de Gladiator. Rome face à ces territoires brumeux qu'elle craint tant qu'elle se terre derrière un mur. Aquila et l'honneur, Aquila et la virtus ; là, franchement, on touche du doigt un concept majeur des Romains. Cette quête à la fois initiative et rédemptrice, cet Aigle quasi surnaturel qui symbolise à lui tout seul Rome, son honneur, c'est kitch, c'est vieux et c'est beau. Ce film parvient à faire passer un petit peu de ces sentiments étranges, de ces valeurs antiques qui ont nécessairement évoluées. Il y a du Dernier des Mohicans, du 13è Guerrier et de l'Agora ; au premier, les Pictes répondent aux Hurons. Au second l'atmosphère, l'honneur de mourir au combat, sous le regard de ses dieux et de ces ancêtres. Au dernier un sentiment profond que ce monde disparut, qu'on ne pourra jamais retrouver, semble, parfois, par petites touches, revivre réellement.
L'Aigle de la 9è Légion n'est pas un grand film. Ce n'est même pas un péplum. C'est un voyage atmosphérique, celui d'une époque révolue où l'honneur pouvait être tout dans la vie d'un homme. Peu importe ses défauts, peu importe sa fin presque niaise. Pour ses moments rares, c'est un film qui m'a transporté. Quant aux faiblesses, il y a tellement pire ailleurs qu'on les oublie. Sans doute, aussi, ce film n'a pas la prétention de vouloir renouveler le genre, ne bénéficie-t-il pas de moyens incroyables et d'un casting XXL. Au moins narre-t-il une histoire avec assez de finesse et d'émotion brutale pour mériter d'être découvert.