François Ozon rempile avec sa muse, Marine Vacth, dans L’Amant double, un thriller érotique qui sonde les thèmes de la dualité et de la multi-personnalité.


Qui d’autre que François Ozon peut se permettre, au sein du cinéma français, de filmer, dès la première séquence, les tréfonds vaginaux d’une jeune femme déboussolée qui se mêle en fondu à la noirceur de ses yeux ? L’AMANT DOUBLE, qui succède au délicat Frantz, donne ainsi les contours, dès l’ouverture, d’une histoire féminine ; il sera question de désir et comme toujours avec François Ozon, de cette question structurante ou destructrice qui façonne le parcours d’une femme.


Cette femme, Ozon la connaît bien. Marine Vacth (Jeune et Jolie – 2013) est Chloé, sujette à des troubles dépressifs, transformant son état mental en des douleurs abdominales insupportables. Pourtant, à la rencontre opportune d’un psychiatre, Paul (Jérémie Renier, foudroyant dans Ni le Ciel, Ni la Terre – 2015), la guérison semble pointer le bout de son nez, et la promesse d’un lendemain baigné de douceur, aussi. Mais quelque chose semble s’altérer à la vision d’un sosie. L’AMANT DOUBLE prend, dès lors, un virage hitchocko-de Palmien bienvenu dans un long-métrage oppressant et truffé de faux-semblants.


François Ozon se joue des symboles et des décors comme l’intériorité du personnage de Chloé – des miroirs, qui décuplent autant de fois les personnalités, de ces interminables escaliers, torturés, qui s’enroulent sur eux-même. L’AMANT DOUBLE esquisse les pourtours d’une allégorie qui traite de la dualité. Et alors que Chloé se libère du cadre étouffant de sa vie, s’évade dans les bras du jumeau diabolique, Ozon referme le piège sur sa proie. Il s’amuse des codes du polar, du thriller, pour dessiner dans ce film-enquête, le portrait d’une femme qui doit se confronter à ses propres démons.


Sous les coutures du genre, le trio érotique fougueusement interprété se cherche, s’élance à tout allure dans un bouillonnement sexuel sans fin, dans la lignée d’un Paul Verhoeven, qui emporte tout sur son passage. Alors L’AMANT DOUBLE questionne en profondeur les thèmes du dédoublement des personnalités par le prisme de la gémellité. Et si Chloé comprend, au fil de ses torrides séances, que son attirance pour le double maléfique en raconte finalement plus sur elle que sur son couple, c’est qu’elle peut aussi se dupliquer pour s’assumer et inverser les rôles (scène de la sodomie « inversé »). Sommes-nous uniques, ou bien, composés d’une multitude de personnalités diamétralement opposées ? Tel est le grand questionnement de L’AMANT DOUBLE.


L’épilogue, qui voit la folie percer le corps et trouver sa forme ultime psychosomatique, lorgne vers le fantastique et rappelle inévitablement les plus belles fulgurances de David Cronenberg. Malgré tout, le film se réfugie alors dans un sous texte explicatif peu convaincant et efface toute trace de mystère, pourtant si bien construit. Peu importe. L’AMANT DOUBLE prouve, s’il le fallait encore, que François Ozon reste l’un des metteurs en scène le plus accompli dans le paysage cinématographique hexagonal. Un prix de la mise en scène à l’horizon ?


Par Sofiane pour Le Blog du Cinéma

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le 5 juin 2017

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