Atmosphère étrange pour ce film perdu dans les montagnes suisses, sur les pentes escarpées des Alpes sauvages. L'histoire d'un sourd muet et de sa grande sœur, principalement, qui vivent dans une maison isolée de tout, où les voisins les plus proches ne peuvent être aperçus qu'à l'aide de jumelles. Les parents ont fait le choix de garder leur garçon avec eux, plutôt que de l'envoyer dans un centre spécialisé, et le film se concentre sur la vie rurale et son comportement difficile (car difficilement compréhensible, s'exprimant à travers un système de communication très inhabituel) à travers l'adolescence. Sa façon d'appréhender le monde par la vue et le toucher, voire par l'émotion, son rapport à la nature, à la faune et à la flore, tout cela est très singulier. La façon de le filmer l'est également, les décors et le style naturels conférant à l'ensemble un charme particulier. Il n'utilise clairement pas ses yeux comme nous, on ressent cela dans sa façon d'observer le monde à travers une multitude d'objets "déformants", jumelles, loupe, miroir, etc.
"L'âme-sœur" ne révèlera sa signification que bien plus tard dans le récit, lorsqu'une relation inceste naîtra entre les deux enfants, en évitant soigneusement la lourdeur de l'explicite et les sentiers habituels du jugement moral. Une relation qui précipitera les tumultes à l'intérieur de la famille, un moment-clé qui aurait pu à mon sens être mieux traité, plus en détails, plus en profondeur. Mais c'est sans doute un choix délibéré que de traiter cet événement sans véritable rupture de continuité, et le lui reprocher serait un faux procès. La conséquence principale semble météorologique, avec l'arrivée de la neige qui enveloppe la fin du film. L'univers bucolique dans lequel évolue l'enfant et son handicap reste attrayant, on a parfois l'impression d'observer un endroit à l'écart du monde, alors qu'il s'agit d'un microcosme perché en haut des Alpes.
[Avis brut #71]