Une famille vit dans une maison en montagne, sur un terrain en pente. La pente conditionne toutes leurs relations. A l'image, ils sont, littéralement, les uns sur les autres. Ils dévalent ou décollent, penchent, s'inclinent, sautent, se hissent, dégringolent. L'espace est vaste car la maison est isolée, pourtant tout est serré. Comme le cadre choisi, malgré les paysages grandioses. Tout est serré, autrement dit : tout fait famille. (J'ai pensé à La Cienaga, de Lucrecia Martel.)
Le récit s'intéresse d'abord au quotidien de cette famille, deux parents assez âgés, une mère asthmatique, une jeune femme lumineuse, et son petit frère sourd et muet. Ils ont des cochons, du lisier à épandre, des arbres qui tentent de pousser malgré les tempêtes. Leur isolement tient lieu de fable. La jeune femme aurait pu devenir institutrice si son frère n'était pas handicapé. Elle ne lui fait pourtant pas porter la moindre culpabilité, et de toute façon il serait incapable de la soutenir. Ce garçon, jovial, étrange et pulsionnel, est un petit dieu venu semer, parmi les siens, le désordre et la destruction. Il casse ce qui le dérange. Il ne connaît que le plaisir et la colère. Plus isolé encore, par son handicap, que la famille dans laquelle il est né, il est la seule mesure à sa connaissance.
Peu à peu, le drame arrive. Sans dramatisation. Avec l'évidence de ce qui se prépare depuis longtemps sans s'annoncer. L'inceste, le meurtre : il n'aurait pas pu en être autrement. Tout semble s'être produit par nécessité. Et la douceur est là, toujours, malgré ce qui survient. La tendresse. La beauté des liens. Le trouble plutôt que le propos.
L'hiver vient lui aussi, ensevelissant peu à peu la maison sous la neige. Dans le blanc, le silence et l'oubli. La maison disparaît. Il n'y a plus que les montagnes. Un hélicoptère passe, il porte une vache morte dans le ciel.Très belle découverte.