Les teen-movies des années 80 ont quelque chose d’assez fascinant. Ils reprennent invariablement les mêmes schémas narratifs, avec souvent un loser qui cherche à se faire une fille populaire de l’école. Les personnages sont généralement très stéréotypés, tendant à la caricature. Le jeu d’acteur est parfois assez limité, voire même franchement mauvais dans certains films du genre ; après tout, le teen-movie consiste à donner la part belle aux jeunes, qui ne sont donc pas interprétés par des comédiens émérites. Mais, en dépit de tous ces défauts, ils possèdent bien souvent une énergie et une atmosphère qui leur confèrent un charme unique, et en font des œuvres attachantes qui tiennent une place à part dans l’histoire du cinéma.
« Some Kind of Wonderful » est l’un des films emblématiques de la période, réalisé par Howard Deutch sur un scénario de John Hughes, qui en est aussi producteur. Le film ne réunit aucun des membres du "Brat Pack", les acteurs vedettes des films de Hughes et, en particulier, du « Breakfast Club », ce qui donne une certaine fraicheur au casting. Le pitch du film n’a rien de très original : Keith, un garçon issu d’une famille de classe moyenne, est un marginal de son lycée très attiré par Amanda Jones, la fille la mieux coiffée de l’école… Le nom devrait tirer un sourire à tous les fans des Stones, c’est-à-dire, si la vie était bien faite, tout le monde.
Amanda Jones sort bien évidemment avec le beau gosse de l’école, riche comme Crésus, mais qui est, bien sûr, un énorme connard qui lui parle comme à un chien et la trompe sans vergogne. Amanda elle-même a tout de la pétasse classique de ce genre de film : physiquement parfaite, adorée par tout le monde, populaire, et extraordinairement méprisante envers ceux qui ne sont pas de son monde. Ce ne sont, de prime abord, pas des personnages très sympathiques.
Comme dans la plupart des teen-movies de l’époque, il n’y a pas vraiment d’intrigue dans le film de Deutch. Le film est globalement séparé en trois parties, la première introduisant les personnages jusqu’à ce que Keith invite Amanda à sortir (le fameux "dating" américain). Toute la suite est consacrée à la préparation du rencard et à la "date" elle-même.
Là où « Some Kind of Wonderful » se distingue des autres teen-movies de la période, c’est finalement pour ses personnages principaux, qui sont loin des caricatures ou des clichés habituels. Bien sûr, la galerie de seconds rôles suit le manuel : marginaux un peu geek, snobs de la haute, etc… Mais, pour deux ou trois protagonistes, Deutch et Hughes ont cherché à creuser un peu plus loin.
Le personnage principal, Keith, est différent de ses homologues. Il possède ce côté un peu "à part" qui l’isole de la société de cour du lycée, mais ce n’est pas pour autant un geek malpropre ou un bouc émissaire. Plutôt que la risée des "cools", ou la victime préférée des caïds, il passe plutôt inaperçu. Transparent, bon élève, il tient plus de la figure passive, de l’observateur, que du membre actif du microcosme propre aux high-schools américaines qui sont toujours dépeints dans ces films. Ses motivations sont également différentes de celles des habituels héros masculins de teen-movies. Il est intéressé par la même fille que ses confrères, certes, mais lui voit plus loin. Ses motivations sont presque "asexuées" en un sens ; s’il admet la beauté extérieure d’Amanda Jones, il paraît plus intéressé de la connaître réellement, derrière ce voile de cheveux superbement coiffés.
Ladite Amanda Jones a d’ailleurs le droit à ses quelques minutes de grâce, et voit son personnage étoffé au-delà du cliché habituel.
Inutile de tourner plus longtemps autour du pot. Si « Some Kind of Wonderful » est tout simplement l’un des meilleurs teen-movies des années 80, c’est pour une raison et une seule : le personnage de Mary Stuart Masterson. Watts est la meilleure amie – et d’ailleurs, globalement la seule amie – de Keith. Garçon manqué qui joue de la batterie, porte des caleçons de mec et fume comme un pompier, elle offre un contrepoint parfait à son meilleur pote. Bien plus lucide et pragmatique que lui, elle cherche à le dissuader avant de lui apporter son soutien indéfectible… Non seulement Mary Stuart Masterson est incroyablement jolie (bon sang, mais comment est-ce que l’on peut la comparer à Lea Thompson ? soyons réalistes une minute…), mais elle est aussi exceptionnelle dans son interprétation, d’une sensibilité à fleur de peau qu’elle masque par sa gouaille peu amène. C’est de loin la meilleure actrice du film, auquel elle apporte une âme, beaucoup d’intensité et une capacité peu commune à susciter l’émotion.
Pour cette raison, l’on s’attache d’ailleurs nettement plus à son personnage qu’à celui de Keith, qui semble parfois un peu plus froid ou détaché. Le point de vue du spectateur, extérieur et presqu’omniscient, l’amène à comprendre très vite les sentiments de chaque protagoniste, ce qui n’est pas le cas des personnages. L’on se prend immédiatement d’affection pour Watts et ses manières, et je trouve, par ailleurs, assez chouette le fait qu’elle n’ait pas besoin d’évoluer en une version plus classique pour parvenir à ses fins : elle demeure fidèle à elle-même tout au long du film, et trouve le succès de cette manière, ce qui est parfois assez rare au cinéma.
Et, il s’agit probablement du personnage féminin le plus réussi de toute la période teen-movies.
Tout n’est pas parfait, hein. Si les deux (allez, trois) personnages principaux sont un peu originaux, intéressants et bien joués, le reste du casting est plutôt habituel et caricatural.
Mais, globalement, le film est vraiment sympathique et constitue une franche réussite. Les lourdeurs que l’on retrouve parfois dans les teen-movies de la période sont assez absents ici : pas de comique de répétition, par exemple (même si c’est parfois génial, comme dans « Better off dead », ça reste assez gras), pas de deus ex machina sorti de nulle part pour résoudre la situation au dernier moment.
Enfin, il y a bien une intervention ô-combien opportune d’une bande de skinheads totalement improbables et absolument géniaux, dont le leader est joué par un Elias Koteas en roue libre, qui compose l’un des seconds rôles les plus drôles de la période, donc on pardonne volontiers cette facilité.
Et, comme d’habitude, la musique est très cool, et il y a cette espèce d’atmosphère de lycée américain, que je trouve assez amusante, et qui prouve que nos cultures sont quand même parfois éloignées.
Tout le monde conduit, par exemple. Quand j’étais au lycée, ce qui commence à remonter, j’avais un pote qui se ramenait tous les matins dans une espèce de pot de yaourt à quatre roues, le genre d’aberration de "voiture sans permis". Loin des Ford Mustangs ou Chevrolet Camaro conduites par nos homologues (et fils à papa) outre-Atlantique ! Il y a aussi cette espèce de rituel du dating, et leur fascination maladive pour les "proms". Cela dit, cela reste curieusement un genre de film assez intemporel, car, quoi qu’on en dise, les jeunes de cet âge ne changent pas tant que cela. Il n’y a que les jouets et les références culturelles qui évoluent…
Vous l’aurez compris « Some Kind of Wonderful » est l’un des sommets du teen-movie des années 80, un film qui se distingue par ses personnages et ses acteurs. Enfin, plus précisément, son actrice. Moi il ne m’en faut pas plus pour tomber amoureux.