Plus j’avance dans l’exploration de l’œuvre de Delmer Daves, plus je me rends compte de deux choses frappantes. L’une, c’est que Daves est un très grand cinéaste, un metteur en scène majeur du cinéma hollywoodien, au même niveau d’un Ford, un Walsh, un Hathaway ou un Mann.
C’est un auteur à part entière, d’ailleurs il participe à l’écriture de presque tous ses films, et son œuvre est d’une grande cohérence.
L’autre chose, qui ne m’avait pas forcément marqué dans un premier temps, mais qui désormais m’apparaît plus qu’évidente, c’est que ce qui intéresse par-dessus tout Daves, c’est l’amour. Plus exactement le sentiment amoureux vécut comme une aventure, une prise de liberté, un moyen de transgresser les conventions, les interdits, les règles de société.
Je savais le cinéaste doté d’un grand humanisme, à travers sa délicatesse, sa complexité et sa compassion pour filmer l’humain. Un humanisme ou une vision de l’humain qui permet aux personnages de ses films de faire front face à l’absurdité de certaines règles de société, d’idées morales, et de les faire basculer positivement. Qu’il parle de racisme, de conflit, de vengeance,…. Daves a foi en l’homme et ça imprègne chaque plan.
Mais au-delà de ça, ou plutôt de façon synthétique et incarné dans le plan, c’est bien d’amour que parlent tous les films de Daves. Véritable thème central à peine dissimulé par les déguisements que constitue l’habillage western ou film noir de ses premiers films et qu’il affichera pleinement dans la dernière partie de son œuvre.
Rome Adventure est le dernier film de ce dernier cycle et un des tous derniers films du cinéaste.
C’est peut être ici que ce sentiment d’amour aventureux et que le potentiel romantique de Daves trouve son expression la plus pure, sans maquillage et délestée de tout autre chose.
Tout le cinéma de Daves est résumé lors de la première séquence. On est dans une école américaine, dans une bibliothèque étouffante et la composition du cadre oppose d’un côté une toute jeune institutrice, pimpante et pleine de vie, et de l’autre ses collègues matures filmées comme des mégères. Celle-ci se fait vilipender pour avoir donné à lire un livre à ses élèves, un livre qui parle du grand amour. Mot et sentiment jugé inacceptable par ses collègues, d’autant plus pour des enfants.
Elle décide alors de rompre avec les conventions de cette éducation mais également avec le contexte familial, et de partir à l’aventure en Italie, image pour elle de la liberté et de l’amour.

Là-bas, à Rome, elle se trouvera entourée de trois hommes. Si on devait résumer le postulat de façon grossière, il y un jeune américain paternaliste qui veille sur elle. Un italien plus mature qui jouera le rôle de l’oncle ou du professeur. Et un autre jeune américain avec qui elle va vivre son histoire d’amour fougueuse, libertaire et passionnelle.
Rome Adventure est un film magnifique. Une comédie romantique légère mais profonde et intelligente absolument délicieuse.
Appuyée par une écriture brillante et portée par une superbe mise en scène, gracieuse et magnifiée par la très belle photographie du génial Charles Lawton Jr. qui joue subtilement avec les couleurs, les profondeurs de champ et les décors naturels.
Daves filme Rome et l’Italie à merveille, certes avec cette vision touristique qui est aussi celle du personnage féminin, mais qui ne possède jamais la fadeur et la rigidité de la carte postale.
D’une certaine manière, le film rappelle le Vacances romaines de Wyler.
La partie centrale du film constitue une échappée, un voyage où les deux amants visitent le nord de l’Italie, de Sienne au lac majeur, en passant par Pise,…
Et ces séquences démontrent comme dans ses westerns, que Daves n’était pas seulement bon pour filmer des hommes et des femmes, mais il était aussi très habile pour magnifier et personnifier des grands paysages.
Enfin, il fait quelque chose de très fort et de dangereux lors des derniers instants du film. Il prend le risque de donner l’impression de renier tout son cinéma, en faisant basculer, à travers deux scènes et deux tirades, sa conception de l’amour libre et transgressif, avant de remettre, avec un œil rieur et malicieux, les choses en place dans un ultime dernier plan.
J’adore.
Teklow13
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le 29 juin 2013

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