L’art permet tout ! Même d’ignorer souverainement des données aussi contraignantes que celles des mathématiques. Ainsi de ces deux anciens amants, Martin (Paul Delbreil) et Léa (Adèle Csech), montés tous deux, et séparément, à Paris - deux divisés en deux, donc -, et qui vont chacun tenter, après avoir constaté l’impossibilité d’une ressoudure entre eux, de trouver une nouvelle âme et un nouveau corps auxquels s’unir. Résultat de la division initiale : quatre, donc.
Dans cette quête, chacun se détournera du modèle initialement pratiqué : Léa cherchera refuge dans les bras d’un musicien bien plus âgé qu’elle, JC (Jean-Christophe Marti), alors que Martin avait à peu près son âge, et celui-ci tentera de vivre pleinement son homosexualité, en acceptant le risque d’un amour véritable pour un autre homme, au lieu de s’en tenir à des échanges uniquement et furtivement sexuels, pratiqués « debout ». Oser le lit, donc, pour lui... Oser la barque, ou la péniche, pour elle, l’amour au fil de l’eau : très belle scène d’abandon fluvial, allongés dans la cabine, entre Léa et JC... Consentir à s’étendre, se coucher, serait ainsi, pour l’un comme pour l’autre, la meilleure façon de vivre son « amour debout », un amour plein, entier, dans lequel on ne craint pas d’aimer « trop » - comme l’avoue Léa - l’autre...
Sans peur des contrastes, Michaël Dacheux, qui signe ici son premier long-métrage, convoque des compositeurs classiques, de Schumann à Ravel, et accompagne cette histoire intimiste d’une ample musique orchestrale, qui souligne la radicalité et la démesure avec lesquelles sont vécus ces drames intérieurs... Autre audace : il n’hésite pas à filmer le milieu qu’il connaît, celui des passionnés de culture et de cinéma, volontiers même professionnels dans cette branche, tels Martin, certains de ses amis... On retrouve ainsi, par moments, le climat des cinéastes qui furent ses maîtres : Eustache, Truffaut, Godard...
Comme dans ces débuts de la Nouvelle Vague, certains moments de grâce sont atteints ; mais le cinéma de Michaël Dacheux, qui a une âme, et un regard, indéniablement, gagnera aussi à mûrir, à s’engager vers l’épure, quitte à ce que la direction d’acteur se voie raffermie et certaines scènes légèrement raccourcies...