Les cinéastes frères et hédonistes reviennent sur le devant de la scène en investissant un nouveau territoire, celui du thriller au centre duquel est impliqué Marc, un professeur d'université en ateliers littéraires qui s'est résigné à ne jamais devenir écrivain et s'est consolé depuis dans la conquête plutôt facile de ses jolies étudiantes jusqu'à la disparition de l'une d'entre elles. Pour qu'on ne perde pas de vue ce postulat, les réalisateurs de Un Homme, un vrai ajoutent un flic (un beau gosse avec des problèmes de poids) qui rôde dans l'établissement. Pas sûr nonobstant que le polar passionne beaucoup les frangins, davantage impliqués à cerner le curieux et énigmatique personnage de Marc, vampirisé par sa sœur Marianne dans une relation dangereusement incestueuse (mais hélas restée à l'état embryonnaire) et harcelé par des étudiantes auxquelles l'art de l'écriture demeure un mystère complet.
C'est donc à une longue dérive existentielle que nous assistons, celle d'un homme désabusé et gentiment cynique, prêt à se jeter dans n'importe quel trou, réel ou métaphorique - et on est en droit, pour le coup, de peu goûter à cette métaphore triviale. Cet homme névrotique, il n'est à voir son besoin compulsif de fumer, du vrai tabac ou de l'électronique, qui pense avoir trouver la femme idéale dans la jeune belle-mère de son élève disparue procède-t-il de son propre effacement, de sa disparition au monde qui ne l'a pas reconnu à sa juste valeur, soit comme auteur et non pas comme dispensateur de cours oiseux à des écervelées qui n'en peuvent mais ? Probablement, mais trop antipathique et tellement superficiel qu'il ne révèle jamais sa complexité présumée, ce personnage, fumeur acharné , ne présente aucun intérêt, fut-il interprété par Mathieu Amalric qui parait de plus en plus s'enfermer dans des interprétations où l'écarquillement d'yeux devient le trait commun et principal. Mais rien ne pourra au demeurant dépasser le jeu outrancier et mauvais de l'insupportable Maïwenn.
Les frères Larrieu sont des cinéastes du paysage, montagnard et enneigé, et des metteurs en scène précis. La mise en image des espaces y est donc une fois encore impeccable et le choix, par exemple, du bâtiment ouvert et tout en courbes du campus, s'avère particulièrement judicieux pour la sophistication des plans et le jeu sur les lumières. Au-delà de ses qualités formelles indéniables, à force de disserter sur le motif du trou, le film finit par tomber dedans et le spectateur avec. Dans un abîme de perplexité et d'ennui, et bientôt d'agacement qu'une résolution décevante et bâclée attise derechef. La beauté des paysages hivernaux ne compense pas les erreurs de casting et la vacuité de l'ensemble dont on peine à circonscrire les intentions. L'atmosphère énigmatique de laquelle naissent quelques éclats de comédie loufoque plutôt artificiels génère davantage la lassitude que l'excitation, peut-être parce que les deux cinéastes traitent le tout avec un peu trop de légèreté et d'indécision, naviguant à vue entre différents registres qui égarent plus qu'ils ne fédèrent.