Ecrivains, poils aux mains !
Pour être clair, l’ironie de mon titre s’adresse aux frères Larrieu et non aux écrivains. En effet, il ne suffit pas de trouver un titre alléchant pour que le contenu soit à la hauteur (même quand l’action est située en Suisse, pays où les hauteurs ne manquent pas). Le spectateur attend quand même un peu plus que de beaux paysages.
En plaçant le mot crime dans leur titre, les frères Larrieu se placent du côté des films policiers. On observe effectivement quelques policiers dans le film, dont un enquêteur. Des policiers bien naïfs et un enquêteur d’une gentillesse désarmante. Poli, courtois et discret, s’intégrant parfaitement à l’atmosphère feutrée qu’il détaille. Si dans un premier temps on veut bien l’imaginer finir par trouver le détail qui tue, on va rapidement déchanter. Il est vrai qu’il se trouve confronté à une enquête qui part sur des bases assez hasardeuses. Une jeune fille disparue sans qu’on ait le moindre témoignage. Le spectateur a bien une idée de ce qu’elle est devenue, mais l’enchainement des circonstances reste flou et l’hypothèse d’un crime plutôt douteuse.
Dans ces conditions, la clé du film est probablement à chercher du côté de l’amour. Le personnage principal est Marc (Mathieu Amalric) présenté comme un don Juan de première catégorie. On avait laissé Mathieu Amalric en jouet d’une femme dans « La Vénus à la fourrure » où il incarnait une sorte de double de Polanski. Toujours aussi incrédule, les femmes ici lui tombent littéralement dans les bras. Marc est un écrivain raté (ce qu’il reconnaît honnêtement), qui gagne sa vie en inculquant l’art d’écrire à des jeunes filles. Notons au passage la vision de la femme écrivain (écri-vaine) : ces jeunes filles sont visiblement désarçonnées dès lors qu’elles doivent proscrire la première personne du singulier. L’inspecteur déjà mentionné enquête sur une des élèves de Marc, une fille de 16 ans dont celui-ci n’a même pas enregistré le prénom. Comme le spectateur, il s’en rappelle le caractère et le physique. Aucun complexe, même vis-à-vis d’un enseignant qui pourrait être son père, un joli minois et surtout une poitrine de rêve (oui messieurs, je pèse mes mots).
Dans son cadre de travail, Marc est abordé par Anna (Maïwenn), la mère de son élève disparue. Marc travaille dans un lieu prestigieux parfaitement identifiable même s’il n’est mentionné que dans le générique de fin : le Learning Center de Lausanne, financé par une célèbre firme d’horlogerie. Architecture moderne, vaste, claire et accueillante. Malheureusement, l’impression qui s’en dégage ne va pas au-delà de l’investissement financier pour l’image de marque. Il est vrai que le personnage de Marianne (Karin Viard) y travaille comme bibliothécaire, mais l’aspect recherche documentaire du lieu est franchement négligé. De même, l’ambiance de travail n’est qu’esquissée. Certes, on sent que la position de Marc est fragilisée par son comportement en privé ainsi que par le bon vouloir de ses supérieurs hiérarchiques, dont celui de Richard (Denis Podalydès). De là à dépendre d’un simple coup de téléphone ou des humeurs des uns et des autres… Et puisqu’il est question d’argent, on remarque la déplorable mentalité d’Annie (Sara Forestier), autre étudiante de Marc, qui agit en gamine gâtée et capricieuse, en clair pourrie par l’argent de son père. Pas franchement original. Dans le même ordre d’idées, il y avait matière à creuser du côté des relations frère/sœur entre Marc et Marianne. Si cela peut amuser de voir Karin Viard en sous-vêtements sexy, l’apercevoir se raser l’entrejambe fait franchement vulgaire. Surtout que les réalisateurs en rajoutent en montrant ensuite Marc passer une raclette sur son pare-brise enneigé.
En ce qui concerne l’interprétation, les premières répliques de Karin Viard jettent immédiatement un froid, car sans la moindre conviction. Le personnage d’Anna (Maïwenn) est peu crédible. Sa détresse psychologique est filmée de façon maladroite. D’un côté elle est fragilisée par l’incertitude (renforcée par l’absence de son militaire de mari quelque part au Sahel), alors qu’elle n’est que la belle-mère de la disparue. De l’autre côté, dès qu’elle fait la connaissance de Marc, elle est sous le charme et oublie complètement son malheur. Marc est également poursuivi par une autre étudiante, Annie (Sara Forestier) une riche héritière qui ne doute de rien. Elle ne sait pas écrire, peu importe, elle y consacrera des heures et prendra des cours particuliers avec Marc. Personnage agaçant et pas franchement original qui tire également le film vers la vulgarité.
Alors, même si cette adaptation d’un roman de Philippe Djian fait parfois sourire et maintient le suspense en multipliant les pistes, à mon avis le vrai crime ici est d’assimiler vulgarité et humour. Les frères Larrieu semblent vouloir nous convaincre que l’amour est un leurre. Malheureusement, dans ces conditions, on obtient un film où l’on sent que, si en amour tout peut arriver, les mieux lotis sont du côté des imposteurs. Mon titre illustre la finesse des frères Larrieu en matière de dérision. Attention cependant, j’ai écrit poils aux mains et non poil dans la main !