L'amitié toxique.

Un réalisateur pour la télévision s'éprend d'une antiquaire, mettant à mal son amitié avec un comédien vieillissant qui doit faire face au départ de son épouse.

L'ironie du destin veut qu'on redécouvre le cinéma de Daniel Duval après sa disparition en 2013. Il y a eu L'ombre des châteaux, son premier film à la forte réputation, le gros succès en salles que fut La dérobade qui avait valu un César à Miou-Miou, et cet Amour trop fort, d'inspiration autobiographique, qui montre à quel point l'amitié peut être une chose à la fois magnifique et dangereuse.
Le film fonctionne sur cet étrange relation triangulaire entre Daniel Duval lui-même et Marie-Christine Barrault, couple qui s'entend très bien, jusqu'à l'arrivée dans ce duo d'un caillou dans la chaussure joué par Jean Carmet. Ce dernier est à la fois bouleversant et touchant, car il incarne un homme à la dérive, dont son épouse ne lui a laissé qu'un portrait d'eux deux plus jeunes, et qui voit en Daniel Duval une bouée de sauvetage, car on voit malgré tout qu'il est à la dérive. Il se raccroche à la fois à lui et à son passé de comique, où on va voir une scène pathétique avec Hubert Deschamps où il essaie de reprendre devant lui des sketches joués vingt ans plus tard et la flamme n'y est clairement plus.

C'est aussi l'occasion de voir l'excellente Marie-Christine Barrault, qui voit en Carmet une menace à même de détruire son couple, il est du genre à s'incruster partout et à hurler son spleen existentiel, notamment lors du final où il semble basculer peu à peu dans la folie. Le film m'a beaucoup touché, en particulier Jean Carmet, jamais meilleur que quand il s'attaque à nos peurs les plus intimes, y compris l'année suivante dans La soupe aux choux , et là, c'est la peur de l'abandon, de la solitude.
Daniel Duval est lui aussi un bon comédien, avec toute une mise en abime sur son métier de réalisateur (ici pour la télévision), et il a dans ce film des airs de Richard Berry.

Le cinéma a toujours ceci de particulier qu'on semble ne jamais être au bout de ses surprises et c'est ça que j'ai ressenti devant L'amour trop fort, qui peut toucher tout le monde malgré sa sortie de 1981, et il faut toujours dire à quel point Jean Carmet fut un immense comédien.