Je dois avouer que le film m’effrayait quelque peu avant de le voir. Le fait que Resnais ait voulu réaliser un film volontairement ennuyeux (selon ses dires) pour emmerder la critique de l’époque me laissait sceptique. Bon au moins il avait eu le mérite de le dire mais je demandais comment on pouvait avoir cette envie de créer un film chiant. Surtout que pour ma part, Resnais a raté son coup puisque je ne me suis pas ennuyé une seule seconde tant j’ai trouvé ce film envoûtant et hypnotique. A croire que j’ai adoré le film pour les mauvaises raisons… Mais tout de même, une œuvre qui enchaîne autant d’idées de cinéma à la minute ne peut définitivement pas être chiante ou conçue pour l’être. Ce n’est pas possible ! Quelle claque visuelle nom de dieu, la forme est plus que somptueuse. Il y a quelque chose de véritablement prenant je trouve dans ces lancinants mouvements de caméra qui capturent des séquences qui renferment toutes une part d’insaisissable.
Et j’ai trouvé l’Année Dernière à Marienbad vraiment énigmatique avec la fascination de cet homme pour cette femme avec qui il aurait eu une relation mais qu’elle ne reconnaît pas. Il y a un véritable mystère qui se dégage de cette relation atypique, j’étais comme plongé dans cette quête de vérité qui ne semble pourtant être qu’illusoire. On a d’ailleurs l’impression que tous les personnages de ce château sont des pantins, une aristocratie qui vit dans le luxe, sans but réel, sans aucun sens. On se croirait dans un rêve éveillé. Ca accentue cette sensation de perte que l’on peut éprouver en navigant dans ce lieu, entraîné par la caméra de Resnais sans savoir où l’on va atterrir. Je peux toutefois comprendre volontiers le fait que l’on puisse détester ce film au vu de son côté très hermétique et conceptuel à première vue. Pour ma part, une fois plongé dedans, j’ai eu du mal à décrocher.
Finalement ce film rejoint un peu cette idée que je me faisais de la narration par l’image. Les dialogues et l’intrigue sont minimalistes mais il y a du sens derrière. Sur cette communication impossible, sur ces rapports humains qui peuvent virer dans l’absurdité la plus totale, sur ces personnages qui vivent renfermés dans leur bulle microscopique, véritable désincarnation de la réalité. Cette confusion entre la réalité d’ailleurs et l’onirisme est vraiment troublante, j’ai aimé être perdu sur cette frontière mince sans savoir où me placer. Et il fallait un grand travail de mise en scène pour parvenir à ce résultat-là, Resnais a réalisé un véritable tour de force. Le travail sur l’ambiance et notamment le son contribuent fortement à l’atmosphère très envoûtante du film. La beauté des dialogues fait le reste et l’interprétation du texte est carrément hypnotique, sublimée par cet accent qui renforce la beauté des sonorités de la langue française. En clair c’est un grand film, juste fascinant et sidérant de beauté.