Frankfurt am Main 1978. Le récit s'installe sur le mythe d'années de treize lunes (dont serait 1978), où les personnes les plus sensibles seraient sujettes à de grands malheurs (dépression tendance morbide, atmosphère viciée). R.M.Fassbinder marque son attachement à une certaine dialectique de l'ivrogne: il prends au corps la lettre et travaille le verbe au fer. Du film s'échappent des paroles malades, minables, honteuses d'elles-mêmes, qui prennent le champ pour dire la décrépitude, le désabusement, le mépris. La construction du film se fait sur des aveux et tous les mots dits sont quelque part douloureux. Rien ne se cache plus alors, et les corps fatigués s'exposent à la vue, éprouvés et fragiles; eux aussi prennent de l'ampleur dans le champ - ils s'y déploient magnifiques. Les corps sont de chairs blessées; abimés par la volonté de vivre des vivants qui s'y perdent. Les plans durent, épuisent les regards et les corps et désespèrent les personnages qui y sont engagés. Pessimiste, à la façon d'un Otto Dix, Fassbinder dépeint une farce horrible où chacun se tue à force de vouloir vivre.