Une oeuvre d'une rare densité formelle, émotionnelle et philosophique : parfois médusante, souvent magnifique L'année des treize lunes est une fable existentielle d'un désespoir particulièrement prégnant, et l'un des films les plus personnels du grand Fassbinder. Sorti la même année que La troisième génération ( conte ludique et politique d'une redoutable inventivité ) ce mélodrame d'une amertume singulière et poignante marque l'un des points d'aboutissement de la carrière du cinéaste ; les deux films sus-cités partagent du reste certains partis-pris esthétiques d'une saisissante complexité ( mise en abyme cinématographique en forme de citation du répertoire classique français, goût prononcé pour les surcadrages, sublimation des décors intérieurs...) tout en se référant à la philosophie pessimiste voire un tantinet nihiliste de Schopenhauer...


Histoire d'amour désespérante L'année des treize lunes s'ouvre sur une scène en extérieur nuit à travers laquelle plane l'ombre de Mort à Venise : la 5ème Symphonie de Malher rappelle le trouble homosexuel du classique de Luchino Visconti, inaugurant pour l'occasion une scène de passage à tabac pour le moins douloureuse... S'ensuivra une plongée dans l'intimité d'Elvira, transsexuel écorché vif fraîchement abandonné par son amant qui repartira sur les traces de son propre passé. Avec une mélancolie totalement assumée Fassbinder montre la fragilité particulière du sentiment amoureux, nous montrant les rapports humains tel qu'ils devraient l'être : terribles.


Ainsi dans l'univers du réalisateur allemand les chômeurs guettent régulièrement leur ancien bureau campés au pied du mur, les bénédictions prennent la forme d'un triple crachat et les suicidés se font passer pour d'authentiques allumeurs de réverbères... Elvira, l'héroïne du film, mène l'enquête sur son parcours pathétique au gré des rencontres avec de savoureux marginaux et des retrouvailles avec ses amours passés ( un ancien amant et collègue devenu bureaucrate sadique et un brin grotesque, une épouse et une fille devenues indépendantes par la force des choses...). Même si l'ensemble n'est pas toujours exempt d'ennui et de lourdeurs L'année des treize lunes demeure un film remarquable, exigent certes mais prodigue pour peu que l'on parvienne à s'y perdre. A voir absolument.

stebbins
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le 16 mai 2018

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