Dieudonné, c’est un peu l’histoire d’une radicalisation. Au départ, il y a de l'inspiration, du charisme, des expressions, des imitations, des silences maîtrisés, de l’esprit critique, de la provocation, et une préférence pour les sujets sensibles (Ex : laïcité, religions, politique), à l’inverse de nombreux humoristes privilégiant des eaux plus tranquilles, ce qui m'a fait énormément l'apprécier.
Et puis un jour, pour une raison que je n’ai toujours pas saisie (1), l’humoriste de génie s’est converti au complotisme pur et dur, tendance extrême-droite (2), lequel transpire désormais dans toutes ses interventions (Ex : spectacles, sketchs, compte YouTube). Il s'en prend en particulier aux Juifs (qu'il assimile plus ou moins aux sionistes et aux Israéliens), lesquels contrôleraient secrètement le monde, et en particulier la finance. À partir de là, on dirait un vieux jeu Simon complètement rayé, qui reprendrait en boucle les mêmes thèmes : si tu dois retenir l’ordre d'apparition de 4 couleurs dans le jeu Simon, tu dois deviner l’ordre d’apparition de ses 4 thèmes de prédilection chez Dieudo (juifs, médias, gouvernement, complotisme en général). Et en cas de doute, statistiquement, mieux vaut hélas miser sur le thème juif.
Pour faire bonne mesure, il invite Robert Faurisson, négationniste notoire, à participer à un spectacle, invente un geste équivoque (la quenelle) et une chanson à thème (« chaud ananas » / « Shoahnanas »), cible toujours les mêmes personnes ou organisations, généralement d'origine juive (Ex : Patrick Bruel, Patrick Timsit, la LICRA), est intime avec Alain Soral et Jean-Marie Le Pen (parrain d’un de ses enfants), produit quelques navets (Ex : « l’Antisémite », « Le mariage pour tous »), et maintient officiellement qu’il n’est pas antisémite.
À la rigueur, je pourrais passer outre ses opinions personnelles, si au moins elles n'étaient pas présentes dans toutes ses œuvres. Le problème est qu'on avait auparavant un humoriste utilisant la politique pour faire de l'humour, et qu'on a maintenant un militant utilisant l'humour pour faire de la politique. Et encore, je passe sur l’étonnante assurance qu’il a créée (« L’Ananassurance ») et les appels aux dons relayés sur sa chaîne YouTube (depuis fermée par la plate-forme) afin de payer ses condamnations judiciaires, tout en assurant en parallèle qu’il ne les règlerait pas, organisant son insolvabilité pour « niquer le système ».
Bref, le Dieudo' que j'aimais est un peu devenu le personnage d'un de ses sketchs, à l'instar du tonton gênant qui fait des blagues de cul à Noël, et à titre personnel, je ne m'y retrouve pas.
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(1) Semble-t-il liée, à l'origine du moins, à un refus de subvention d'un projet de film sur l’esclavage ("Le code noir"), qu'il expliquerait par un lobbying d'organisations juives souhaitant garder le monopole de la souffrance.
(2) Plutôt ironique quand on pense qu’il était à l’origine un humoriste de gauche,opposé à l’extrême droite.