Il s'agit là d'un film d'une rigueur formelle évidente, rigueur doublée d'une simplicité et d'une beauté désarmante. L'Apiculteur de Theo Angelopoulos dégage un indicible sentiment d'apaisement et d'humilité, malgré l'humeur chagrine de son personnage-titre. De ce point de vue là l'interprétation de Marcello Mastroianni est un petit monument de réserve : sa seule présence impose d'emblée le visionnage de cette épopée intimiste, aux confins de l'hypnose... L'acteur, tout en intériorité, sous-joue volontairement tout en demeurant étrangement touchant et attachant, insufflant au métrage une bonne dose de sympathie. Sa partenaire Nadia Mourouzi participe à l'efficacité de ce bel Apiculteur, jouant une jeune fille délurée avec ce qu'il faut de charme et de vulgarité. L'alchimie de leur relation, improbable romance emplie d'amusement et de tristesse, est implacable.


C'est donc avec toute la palette de nuances qui constitue l'Oeuvre de Theo Angelopoulos que L'Apiculteur dévoile son immense beauté. Si le choix premier qui caractérise la relation liant le vieux Spyros ( Mastroianni ) à cette jeune auto-stoppeuse ( Mourouzi ) est celui du contraste le cinéaste grec transforme ce qui aurait pu n'être qu'un simple clivage générationnel en un portrait joliment tiède, subtil et complexe. L'Apiculteur traite d'amour impossible, d'incapacité et de frustration, avec un soin particulier accordé aux silences et aux longueurs ; les plans-séquences décomposent l'action de manière pratiquement chirurgicale, dans une horizontalité propre au réalisateur : les images, douces et grisâtres, se suivent au gré de décors naturels tout à fait sublimés par la caméra de Angelopoulos, caméra s'attardant parfois dans des intérieurs ( chambres, cafés...) pour mieux capter le désespoir de Spyros et de la jeune fille... jusqu'à la scène du cinéma désaffecté tenant lieu d'espace fantasmatique, cruelle terminaison d'une relation platonique en acte et charnelle en puissance.


Ajoutons quelques mots au sujet de la composition typique de Eleni Karaindrou, très belle en plus d'être parfaitement représentative de son travail. Les morceaux de rock, enracinés dans leur époque, sont prétexte à une ou deux scènes mettant habilement en valeur la grâce prosaïque de Nadia Mourouzi. En fin de compte L'Apiculteur reste un superbe film, et sans doute l'un des plus beaux rôles du grand Mastroianni. A voir absolument.

stebbins
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le 22 juin 2015

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