L'Apollonide, souvenirs de la maison close par Gaby Aisthé

Avec un concept comme 'le quotidien dans une maison close ´, les risques étaient grands de sombrer dans le vulgaire, dans le malsain, le voyeurisme et le glauque. J'étais donc un peu sceptique à l'idée de regarder ce film. Ceci dit, un bon point pour lui, et c'est ce qui m'a décidé, c'est arte qui le diffusait. Alors pourquoi pas ?

Et je dois dire que ce fut une très agréable surprise que ce film.

Bien sur, nous sommes ici dans une maison close de niveau plus que convenable, et ce qui s'y passe, le bon comme le mauvais, n'est pas la règle de tous les bordels de l'époques.

Ceci dit, Bonnello nous présente ici un petit monde bien réaliste, avec tout ce qu'il contient de bonnes choses et d'horreurs.
Nous y voyons le fait que les bordels de ce genre n'étaient que des cages dorées avec des filles aux illusions déçues, sans réel espoirs de s'en sortir un jour. Un monde où les désirs masculins règnent en maître et où le destin de braves filles peut basculer d'un jour à l'autre. Un monde dangereux et impitoyable, dur et sans pitier.
Les perversions y cotoient ma lacheté et la misère de ces filles comme de leurs clients.

Cependant, nous y percevons aussi de bonnes choses.
Une certaine solidarité entre les filles tout d'abord. Du moment que toutes sont honnêtes, chacunes fait son possible pour que tout se passe pour le mieux. Expliquer les bases aux nouvelles, s'inquiéter des plus faibles. La mourrante ou la grande blessée ne sont pas jetées dehors, et même si bien entendu elles ne sont plus exhibées, on sent bien les liens qui les unissent aux autres. Ces liens, nous les entrevoyons dans des petites phrases, de petites inquiétudes (la femme qui rit était elle d'accord pour rencontrer son client ? La pauvre mourrante doit elle voir la lettre envoyée par l'un de ses habitués ?).
Nous sentons bien que ces femmes sont braves, même leur mère maquerelle. Car certes, elle ne permet pas à ses filles de s'affranchir de leurs dettes, elle leur impose des règles strictes et n'a aucun soucis de leur pudeur ou de leur cycles, mais elle est également une mère et ûne femme qui doit se battre pour maintenir son entreprise (et donc le destin de ses filles) à flot.

Les personnages ne sont pas tout noirs ou tout blanc, le monde reconstitué ici n'est pas simple et ses lois sont dures, mais il n'est pas dénué d'une certaine dose d'humanité et de bonté.

Le pire comme le meilleur sont des voisins proches et qui doivent cohabiter quoi qu'il arrive.

Pour ce qui est du côté plus artistique du film, rien n'est laissé de côté.
La musique teès discrète souligne des atmosphères pesantes et impose le respect et la réflexion. Certains trouveront peut être ce film trop silencieux, mais je pense que ces dialogues cours et cette musique justement dosés servent très bien l'oeuvre.
En ce qui concerne la mise en scène, je l'ai trouvée très bonne et très prenante. Certes, le sujet imposait que l'on nous présente des femmes nues, du sexe, mais cela n'est jamais vulgaire et certains arrêts sur image feraient de belles photos. Ceci dit, nous ne sommes pas dans un compte de fée et si l'on ne tombe pas dans le vulgaire, la cruauté, la dureté de la vie de ces femmes est bien présentée et omniprésente (avec quelques parenthèses plus joyeuses pour nous permettre, comme à elles, de respirer, comme la ballade en campagne par exemple).
Les flash back et superposition de scènes sont interessantes et donnent une impression de vision plus globale, la possibilité de nous immerger dans la vie de ces femmes.

Au final donc, un film très bien réalisé et réaliste. Bien sur, il n'est pas d'une grande gaité et pourra paraître un peu long à certains, mais il parvient à montrer de nombreuses facettes de la vie de femmes que l'on considère trop souvent comme de simples catins, stupides et perverses (comme nous le rappelle d'ailleurs justement le livre d'anthropologie prêté à l'une des filles dont je ne me souviens plus le nom).
Le final, avec cette vision de l'avenir, notre présent, clôt l'oeuvre avec une réflexion intelligente : certes, nous critiquons les bordels de l'époque, nous ne voulons pas de maison close, mais la prostitution existe toujours, et ce qu'elle est devenu est elle mieux ?
Gaby_Aisthé
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le 20 mai 2014

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