"Le babil excessif est inséparable du repentir, le silence produit la sûreté" c'est sur ces mots de Philip Dormer Stanhope que je devrais terminer ma critique, tant je trouve regrettable la fin de ce film qui m'a fasciné.
Créer un personnage de cinéma pour en faire son interprète permet parfois à un réalisateur d'exprimer plus en profondeur ses interrogations, sa perplexité, ses convictions tout en conservant une certaine distance et objectivité. Il ne fait donc aucun doute ici que Jacques est Xavier Giannoli. A un moment de la vie (souvent lié à une prise de conscience de la mort), athée ou croyant, pose la réflexion et sonde intérieurement les raisons d'appartenir ou non à une religion, plus largement il se questionne, faut-il croire ? peut-on croire ? Deux interrogations qui sur la forme semblent proches, et sont pourtant presque antinomiques.
C'est ce terreau qu'ont cultivé Xavier Giannoli, Jacques Fieschi et Marcia Romano pour le scénario de "L'apparition". Je dois dire que j'avais quelques appréhensions face au résultat. Je me suis trompé. Car cette espèce d'introspection que va subir Jacques avec cette enquête autour de la vision d'Anna est admirablement écrite au trois quart. Ordonnée en chapitre, on suit non seulement le personnage principal mais l'on partage ses phases de raisonnement, qui vont de l'incrédulité à la remise en question, de la défiance à la sagesse. Et la mise en scène heurtée et précise dans les plans,accompagne parfaitement ces étapes. Le malaise autour du doute est fortement ressenti sur un point de vue général, mais également plus ciblé entre convaincus et la commission représentant un Vatican sur la défensive. C'est l'autre aspect abordé par le film. Fait avéré ou supercherie, l'apparition a des conséquences. Au niveau mercantile, un nouveau lieu "saint" n'est en rien négligeable (afflux de fidèles et de fait, de dons, merchandising...) à l'inverse le mensonge cautionné devient escroquerie et l'église catholique est très sensible à tout nouveau scandale. En parallèle de l'enquête menée par la commission, Jacques poursuit une investigation plus personnelle. Son esprit rationnel souhaite comprendre autant le phénomène que son cheminement. Cette double recherche le mènera à une vérité inattendue.
Si la mise en scène, un brin chichiteuse avec ses quelques effets inutiles (les plumes notamment), reste efficace, le casting est un soutien des plus estimables. Vincent Lindon, mais aussi Patrick d'Assumçao, en prêtre de paroisse déphasé, Anatole Taubman en gourou et Gerard Dessalles en théologien corrompu sont impeccables. Mais c'est la séraphique Galatea Bellugi (déjà très bien dans "Keeper") qui emporte le graal ! Elle envoûte non seulement les fidèles de ce petit village mais le spectateur également, tant sa performance est unique et fantastique au sens propre comme au figuré. Les expressions de son jeu de visage sont tout simplement incroyables, passant de l'angélisme au martyr, de la petite fille à la roublarde. Elle campe le doute !
Le film pourrait tenir de l'empyrée cinématographique s'il n'y avait cette fin. Sans bien évidemment la dévoiler, on se dit que pendant près de 1h45 le niveau l'exploitation du sujet était des plus subtils et là, sans tourner autour du calice, un pétard mouillée et hop emballée l'icône ! A ce niveau de raisonnement, tout portait à laisser à cette affaire une petite part de mystère, d'un coup le film retombe dans l'ordinaire. Dommage !