Eh bien, que de "retard". Eh oui, que de temps pris pour enfin me pencher sur la filmographie de Guédiguian après de si longues années de cinéphilies. Bon, mes aventures japonaises n'ont pas aidé, mais quand même.
L'argent fait le bonheur, c'est l'histoire d'une cité de Marseille ou, bon an mal an, les choses arrivent à se passer. On arrive à vivre, malgré la pauvreté, grâce à l'entraide, on arrive à se supporter malgré les coups de pilori contre la diversité, on arrive à rire même, et même souvent ! Mais un beau jour, leur cité va craquer : sur l'autel d'une rivalité un peu factice mais nécessaire pour deux groupes qui ne savent plus trop quoi foutre de leurs vies, va se tracer une ligne qui va littéralement couper en deux le quartier. Terminés à peu près tout ce qui rendait cette vie de pauvres reclus à l'autre bout de Marseille. Plus d'entraide, plus de rire : c'est la guerre parce que c'est comme ça que ça doit être. Fatalité. Mais le prêtre de la cité, qui fait ses drôles de sermon dans une sorte de barrique à huile géante et ensuite tout ce qui compte de femmes et mères du coin ne l'entendent pas de cette oreille : iells vont tout faire pour rendre à ce petit territoire une bonne raison que le soleil darde encore ses rayons sur le béton.
Quel film réjouissant. Je ne m'attendais pas du tout à ce genre de ton. Guédiguian, dans ce film (et l'autre que j'ai vu par la suite, Marius et Jeannette), ne prend jamais les choses par le côté larmoyant. En fait, ne parlons pas de Guédiguian, parlons de l'équipe du film. La joyeuse troupe ne prend jamais les choses par le côté larmoyant. Point de victimisation et de violon ici. Ici, on montre qu'il y a quand même de la joie, et quand même du rire, et quand même des être humains. Même si la vie n'est pas simple, que le système est pourri, s'il y a bien un jeu bourdieusien, c'est la capacité de rire, et de réussir, justement, à vivre, malgré l'iniquité à tous les étages. Mais Dieu qu'il en faut de l'énergie pour arriver à dépasser les clivages ! Une simple ligne jaune faite en trois coups de peinture, et c'est toute une machine humaine qui se branle. C'est si difficile de recoller les morceaux. Mais, à force courage, de persuasion, d'abnégation, nos joyeux acolytes arrivent tout de même à renverser ce qui semblait être indépassable. Comment ? Avec l'argent ? Que nenni. Car si l'argent fait le bonheur, il faut comprendre dans quelle dimension : c'est un moyen, pas une fin.
EN résumé, ce film est vraiment très plaisant et extrêmement drôle, servi par une tripotée d'actrices et d'acteurs très investies dans leur rôle. C'est plein de von sentiments, mais on est très loin des clichés sur la gentillesse, la sororité ou la fraternité ; ça sonne juste. C'est un film très frais, mais qui apparaît, en ces mois à base d'islamogauchisme et de nouvelle religion républicaine comme une douce utopie...