Était-ce bien utile ? A priori, de l'avis des studios, oui. Et pourtant, on avait déjà essayé de tuer une bonne fois pour toutes Riggs à la fin du dernier épisode - ce à quoi ces salauds des majors avaient ajouté leur happy ending, plutôt que de laisser un Riggs toujours en but à la société trouver la paix. Ces gens n'ont vraiment aucun savoir-vivre. Et aucun savoir-mourir en prime. Résultat, Riggs et Murtaugh sont de retour, et le film risque d'être un peu en deçà de ce qu'on a pris l'habitude de voir dans un Arme Fatale. Ayant démocratisé la formule du buddy-movie, voilà que l'exemple, le modèle, décide soudainement de ne plus capitaliser sur une action qui mettrait encore en conflit ses personnages mais plutôt sur une histoire qui va jouer de leur proximité, jusqu'à virer clairement à la comédie. Mince alors, fini les explosions soudaines de Riggs, pleine de fureur, on joue à présent dans la cour du grand public. Y perd-on énormément ? Alors, ça, c'est quand même une toute autre histoire, mais dans l'ensemble je dirai, quand même, un peu, ouais...
L'intrigue... ha, l'intrigue. Son souci, c'est qu'elle se fait gravissimement marcher dessus par l'aspect comédie. Autant le dire, le rythme du film devient soudainement très bâtard. On amorce l'enquête avec un prévenu retrouvé mort dans les locaux de la police, puis rapidement, on quitte ce récit pour... autre chose. Ponctuellement, on reviendra, par quelques scènes d'action très courtes, à l'enquête principale, mais c'est un peu tard : elle ne concerne que brièvement les personnages - qui d'ailleurs la résolvent en deux coups de cuillères à pot quand ils ont le temps. Du coup, difficile de se trouver un méchant avec un tant soit peu de charisme ou de présence. Le premier avait ses anciens bérets verts devenus trafiquants de drogue, le second avait sa milice sud-africaine cachant du détournement d'argent... le troisième devra se contenter d'un méchant ancien-flic qui n'intervient forcément que très peu et essaie donc, sur ces courtes périodes, d'être très très méchant. Le souci, c'est que jamais il n'atteint la prestance de ses aînés et c'est donc sans grande passion qu'il trouve la mort durant le final. Un final qui essaie de vous réveiller un peu, mais bon, c'est un peu tard, nan ?
Au milieu de ça, donc, eh bien il y a deux fois plus de sous-intrigues propres aux personnages, histoire de profiter à mort du capital sympathie de ses deux protagonistes centraux. Parce que l'air de rien, Mel Gibson et Danny Glover, ben je les ai toujours à la bonne. Ils sont cool, ils transpirent l'amitié, la bromance la plus totale et ouais, je pense que tu les mets tous les deux devant une caméra, ils te font un sketch facile, en totale impro. C'est un peu le souci d'ailleurs : ils sont tellement dans le truc que c'est difficile de leurs en vouloir vraiment, malgré les intrigues développées autour d'eux. La romance de Riggs d'un côté, genre, avance rapide pour une histoire de coeur plutôt vite bouclée avec René Russo, et les doutes de Murtaugh de l'autre, qui a, mince alors, buté un pote à son fils et s'en remet pas ! Evidemment, ça fait toujours plaisir de voir ces deux charognards s'amuser à l'écran, pas de doute, se faire des blagues potaches, rembarrer un Leo Getz de plus en plus envahissant, oui. Mais bon, le deux avait eu le bon goût de contrebalancer ça avec une profonde noirceur. Ici, rien du tout : c'est de la blague jusqu'au bout, un petit sursaut de drama en dernier tiers, puis rebelote, on reprend le rail du rire. Ce qui m'ennuie, c'est pas tant que l'on mette davantage en avant les deux persos plutôt que l'histoire, c'est plutôt qu'ils n'ont plus du tout cette noirceur qui formait le socle du précédent opus. Et je ne parle même pas du premier où l'on se marrait pas des masses. Là, c'est carrément l'invasion Disney et du coup, même le côté polar se fait totalement bouffer.
Bon, dans tout ça, comme j'ai dit, le duo est impec, difficile de faire plus buddy que Mel Gibson et Danny Glover, juste parfaits dans un rôle taillé pour eux et affinés avec les années. Joe Pesci est toujours en roue libre, à la fois crispant et amusant tant on a l'impression de le voir caricaturer sa propre filmo dans son rôle de Leo Getz. P'têt que c'est son psy qui lui a proposé l'idée... René Russo, donc, ajout féminin au casting, dispense son charme plutôt sympathique et, ô miracle, est écrit comme un pendant féminin à Riggs, ce qui fait qu'elle n'est pas spécialement à sauver (sinon, Riggs ne l'aimerait pas, ce grand fou). Bon, évidemment, elle se fait assommer durant le final histoire de pas trop tirer la couverture, mais elle a le mérite de ne pas avoir été pensée comme la fille que Mel ira sauver et au moins, on peut lui reconnaître ça.
Au final, du moment qu'on sait ce qu'on vient voir, à savoir davantage une comédie du début des années 90, mâtinée d'action, qu'un actioner à tout-va, ça passe franchement. Et pis la "personnalité musicale" de la saga fait encore magnifiquement son job, avec son côté blues ultra cool. Ce n'est pas pire que le quatrième opus intégralement de jour qui tentait de redorer le blason du polar un peu dérangeant avec son intrigue à base de chinoiserie. A la limite, si le troisième opus paraît un peu moins horrible à mes sens, c'est sans doute pour sa suite qui, franchement, tire le niveau bien bas. Espérons qu'il n'y ait pas de cinquième épisode. Espérons-le sincèrement, parce que je ne supporterai pas un nouveau "passage de flambeau".