Accueilli comme le Messie en France et envoyé à la conquête du reste du monde avec l’espoir affiché de faire concurrence aux comédies romantiques anglo-saxonnes, L’Arnacoeur a relativement échoué hors de nos frontières. Ancré dans le luxe et les espaces de transit, conçu comme une parodie-mais-pas-trop de romance éveillée, il avait pourtant tout pour flouer les différences. De surcroît, c’est une curieuse et heureuse avancée, la grâce et le glamour sont là, cohabitant à merveille avec la farce et même de vives grossièretés. Que ce succès soit dû à un réalisateur de téléfilm ici promu pour son premier long tend à relativiser encore une fois les références du cinéma grand-public français et peut-être, à annoncer une nouvelle génération, entre lucidité et conformisme.
Avec son agence à briser les couples, le film part sur une idée géniale, exploitée dans une intro décalée, à la fois classiciste et dissipée, cartoonesque et pompière. Tout le film sera dans cette lignée. On sait d’ailleurs, lorsque l’intrigue se resserre (très vite – trop, on aurait pu s’amuser davantage du concept) sur la rencontre à construire, comment l’affaire va tourner, mais l’exercice reste une curiosité. L’œuvre enfile les gags et repose sur les performances d’acteurs, avec son duo de tête et ses deux seconds (Julie Ferrer et François Damiens, les acolytes de l’arnacœur en question, réduits au bus).
Si on peut s’interroger sur le sex-apple présumé de Romain Duris (c’est ça le mâle alpha de la séduction!?), il est meilleur ici que jamais. Attention, les allergiques retrouveront le même adulescent hautain avec son éternel air de pouilleux urbain ; mais tout ce côté tête-à-claques de dandy de supérette déguisé en animal branché trouve un emploi de prédilection dans le costume de L’Arnacœur, personnage aventureux mais lâche, grandiloquent mais pantouflard, séducteur quoique banal et un peu creux. Pascal Chaumeil a su confectionner une réelle histoire d’amour post-moderne, jouant la connivence avec le spectateur autant pour créer une distance au sujet que pour finalement l’embrasser pour le trivial et pour l’idylle. Vanessa Paradis et Romain Duris, trentenaires infatigables quoique résignés, en sont la parfaite expression. Ainsi le charme opère, le programme est mené tambour battant, avec style, même si le produit est futile. Bien que contrarié par une pointe de cynisme, le spectacle lui-même s’abandonne à sa propre vocation et fait illusion (sans réussir à trouver de quoi laisser une emprunte). On se laisse bercer par une mise en scène généreuse et lisse, mettant en valeur le cadre merveilleux, tout en ponctuant le show de tartes à la crème.
Ce rôle-là justement incombe essentiellement aux seconds rôles ; L’Arnacoeur est ainsi la première incursion de François Damiens dans le cinéma de prime-time. Son personnage de beau-frère médiocre et ravageur se heurte cependant aux mêmes limites que sa récurrente trollerie dégénérée : un manque de sens et de caractère (car il en faut même pour un bouffon). On retiendra néanmoins son interprétation du plombier polonais et tout son respect des instructions très littéral, ainsi que quelques saillies de brute inspirée (dans la lignée d’un « c’est vrai qu’on a pas demandé à Mozart de faire un opéra avec son accordéon hein »).
https://zogarok.wordpress.com/2015/02/17/larnacoeur/