Quand le scénario est si bien mené, qu'il reste ouvert, que chaque ouverture pourrait être intéressante, que chacun des choix est réussi et parfaitement maîtrisé, qu'on se retrouve finalement, malgré cet arbre des possibles, avec une telle cohérence du début à la fin et une telle unité de ton, de fond.
Quand les acteurs, que ce soit le jeune Redford, l'électrique et omniprésent Newman, Shaw qui fait l'un de meilleurs boiteux du cinéma, sont aussi excellents dans leurs rôles et servent à ce point la richesse du scénario sans jamais tirer la couverture à eux et faire écran devant celui-ci.
Quand l'image est si soignée, les choix esthétiques affirmés, la reconstitution si belle, les contrastes, les ombres, les couleurs forment un ensemble visuel aussi splendide, un modèle du genre qui a du inspirer, entre autres, le "Miller's Crossing" des Coen.
Quand cette forme parvient, comme les acteurs, à ne jamais éclipser la perfection du scénario, ses rebondissements qui bien qu'attendus, surprennent par leur mise en scène.
Quand on a une telle scène de poker.
Quand l'accompagnement musical est si à propos, ne détonne jamais.
Quand on pense les premières minutes qu'on va peut-être un peu s'ennuyer dans un nouveau film de transmission entre Luther et Johnny, et qu'au final les deux heures passent si bien sans que l'ennui ne pointe jamais le bout de son nez.
Quand il y a des dialogues si savoureux, si fins, encore une fois tellement incrustés et au service du tout.
Quand il y a tout ça, on fait abstraction de tout le reste et on se dit que oui, on est bien face à un classique du genre, qui le marque profondément par une identité propre.