Un film d’hommes comme on les aime ( hommes ou films ? ). Lignée Rio Bravo et compagnie, quelques regards bourrus de derrière les zincs, une paire de jambes nonchalamment étalées sur une chaise de paille ; index pointé, les gonzesses, de-hors ! Le film pointe plutôt vers une régression enfantine : c’est le plaisir du déguisement qui l’emporte, et l’on souhaiterait étoffer d’un zeste de backstage comedy les diverses scènes de travestissement, des corps et des lieux. Petites héroïnes shakespeariennes, les gangsters s’occupent avant tout, ici, du plaisir de jouer la comédie. Les toiles de fond se lèvent puis s’abaissent à la vitesse grand V des films des Marx : c'est le même burlesque. Vengeance, bannissement, autant de prétextes pour, simplement, se noyer dans les semblants. Et festoyer ! La mise en scène détaille de façon exemplaire les rapports de pouvoir entre Bernard Shaw, Paul Newman et Robert Redford : tour à tour, ils ont le dessus puis le dessous. À quoi tiennent la force, l’autorité, sinon à la gestuelle et à la force du regard, à quelques répliques bien assenées ? Le milieu est hostile : Chicago, les murs en brique, les culs-de-sac, la menace de mort qui se cache derrière une ombre furtive. Nos gangsters s’en sortent par la production d’un monde tout imaginaire, qui réalise, entre prise sur le réel et entre-soi, le rêve autarcique d’une société sans police, sans blessures, sans risques. Aussi beau, aussi faux qu’un studio hollywoodien. C’est l'arnaque la plus festive et la plus amicale du cinéma, aérienne comme les bonds de Robert Redford, et qui se tient toute droite, sans même la prétention de se prendre au sérieux. Grandiose.
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