Il est savoureux de voir que les époques changent mais que les êtres restent les même, que l'Humanité récite à tout âge la même partition.
La grande et merveilleuse diversité des Hommes qui fait leur force et leur originalité ne va pourtant pas sans traits de caractères communs et autres stéréotypes naturels qui de génération en génération rejouent inlassablement la même scène.
Le lycée par exemple, cette usine à formater des adultes, cette mini-société où les différents types d'humains deviennent ce qu'ils doivent devenir.
La dernière étape avant la construction finale d'une position sociale, d'un rôle à jouer.
Tout est déjà là, en germes, dans ces couloirs tristouilles, dans ces sacs d'écoles usés.
Les intellos.
Lunettes carrées posées sur un pif gangrené de points noirs.
Mode vestimentaire toute personnelle semblant défier les âges et le bon goût.
Etre frêle, chétif, moitié geek / Moitié freak, avançant d'un pas mal assuré, les épaules voûtées et le regard à l'affût d'une énième claque derrière la tête distribuée par le chef de la petite bande de gros durs.
Justement les gros durs, parlons-en.
Se déplaçant le plus souvent en meutes, distribuant injures et mandales à la vitesse de la lumière.
Zéro en Math, deux en histoire-Géo mais grand vainqueurs de l'enfilage de binouzes en milieu scolaire et premier de la classe en récitation de chansons paillardes.
L'on trouve aussi non loin de là, entre le gros dur et le sportif, bien au chaud: La belle.
Annonçant son entrée par un grand rire strident et des œillades à répétitions capable d'enrhumer une classe entière. Trimbalant nonchalamment un 95 C qui ferait loucher un mort et le balançant lourdement au son criard d'une fanfare bigarrée durant les entraînements de majorettes.
C'est justement ces thèmes rabâchés, ces codes cinématographiques sans surprises, ce "High school movie" balisé et si cher à la nostalgie Américaine qu'Alexander Payne à décidé de foutre le feu.
Tracy Flick lycéenne à l'ambition démesurée, programmée pour la gagne depuis sa plus tendre enfance et de loin, la plus belle tête à claques de l'école, se présente avec grand fracas à l'élection du conseil des élèves de son école.
Ses petits airs supérieurs, son arrivisme assumé hérissent le poil bien peigné de Jim McAllister prof chouchou de ses élèves et de l'académie, bien décidé à faire régner les bases d'une démocratie lycéenne et claquer le beignet un peu trop présomptueux de la jeune Tracy.
Monsieur McAllister choisit Paul pour contrecarrer l'avenir tout tracé dans la domination d'autrui de Tracy.
Paul est sportif, le genre de sportif à cirer ses pompes à crampons avec son cerveau plein d'eau.
Mais Paul vient de se blesser, sa carrière sportive naissante est dèjà derrière lui, c'est l'adversaire idéal contre la pimbêche à chignon.
Populaire, sportif, obéissant et con comme un manche: L'outsider rêvé.
C'est le début de la descente aux enfers pour le bon Monsieur McAllister.
Comme un retour de boomerang, la punition du destin pour avoir fourré son pif d'adulte dans cette histoire d'adolescents.
Alexander Payne sous couvert de "teen movie" familial et rigolard, livre une oeuvre détonante et vicieuse détournant les tics prévisibles et la tranquillité bien pensante de ce genre de production.
Payne trempe son "film de lycée" dans le vitriol et flingue tout ce qui bouge avec le sourire en coin du cynique.
Rien ni personne ne trouve grâce aux yeux du réalisateur, son petit monde, cette communauté de la bêtise et de la méchanceté s'embourbe dans l'hypocrisie et les fausses valeurs.
La moulinette est enclenchée et c'est à la pelle, sans discernement (A part peut être la frangine lesbienne et fumeuse de joints qui évite de justesse le hachis parmentier) que tout y passe.
Des adultes frustrés et manipulateurs aux ados dévorés d'ambition ou con comme des pelles, tout y est jeté pèle-mêle dans un grand élan libertaire.
La machine à broyer les cons tourne à plein régime, éclaboussant de cynisme et de nihilisme la jolie chemise blanche du puritanisme Ricain.
Payne s'empare de cette élection lycéenne, ce premier geste démocratique, le détourne pour en faire une course au sacre, le sacre ironique du roi des cons.
Prouvant par là que la bêtise humaine comme la valeur n'attend pas le nombre des années et que le temps, vraiment, ne fait rien à l'affaire...