J'ai quand même de la Payne pour toi
En marge de la coupe de senscritique offrant en patûre aux demi-finales ce film d'Alexander Payne, je propose de poser mon regard plein d'humidité (j'ai mal aux yeux) sur ce film en demi-teinte qui nous est sympathiquement proposé par le maître brasseur en charge de la programmation.
Il semblerait qu'à l'instar du désormais fameux Black Roses de John Fasano, Alexander Payne ait décidé de s'attaquer à une problématique adulte en montrant des adolescents qui évoluent au milieu d'adultes, un adulte en particulier, et en montant comment un adulte va se comporter en adulescent au milieu d'adolescents désirant se faire passer pour des adultes. Vous m'suivez ?
J'ai eu beau prendre le film sous toutes les optiques possibles, aucune d'entre elles ne m'a paru pleinement satisfaisante pour défendre un propos aléatoire et brinquebalé maladroitement en de multiples points de vue dont aucun ne semblent présenter ce film sous son meilleur jour.
Si les actions des personnages s'avèrent toutes plus ou moins honnêtes dans leur contexte et assez maladroitement présentées comme innocentes, le constat est sans appel : il y a les bons qui deviennent mauvais parce que la bonté n'est qu'un pigeon qui se heurte violemment à la vitre fermée des convictions, et il y a les cyniques, les pénibles, les coincés, les balais-dans-le-fondements, les plus aveugles ayatollahs du sérieux et surtout du sentiment de supériorité induit lui-même par un sentiment d'infériorité dans un contexte prouvant que si on est fait pour ça, la gloire se montrent à nous, peu importe l'entendement de l'individu envers son monde, un tel déterminisme c'est plutôt dérangeant quand on présente en ce rôle de personne sérieuse et vouée au succès une fillette d'autant plus antipathique et malhonnête qu'elle a conscience de sa réussite et estime qu'au-delà de son travail, dévorée par l'ambition, tout doit lui réussir car elle est Elle.
Et il est bien là le problème, plus qu’un portrait de communauté il s'agit d'un regard cynique de la société remplis de clichés, et réduis à un microcosme bien particulier sans distinction de son propos : le lycée. N'étant pas connaisseur de la biographie d'Alexander Payne, je ne serais pas surpris que l'individu ait bien davantage joué dans sa propre adolescence le rôle du gamin mis à l'écart que celui-ci du beau gosse pété de tunes.
Afin d'accompagner ce teen-movie bien moins innocent que la moyenne, il est de bon ton d'offrir le rôle principal à une tronche de ravi de la crèche, l'éternellement sympathique Matthew Broderick dont le jeu d'acteur en chien battu n'est plus à prouver et le rendrait plus bienveillant qu'un saint. Mais comme on n'est pas à une opposition prête que fait-on ? le faire camper dans le rôle d'un professeur adulé, adoré, et finalement encore le plus humain de tous, trop humain, trop bon, trop mieux pour être parfaitement intègre, ah le salaud.
Et puis il y a la forme, c'est amusant ce contexte, le lycée, les lycéens, les lycéennes, les classiques des fêtes gigantesques à la 'Murricans, les effets d'humour baveux et les rêvasseries représentées en brut plutôt qu'imaginées, le tout autour de l'expression la plus positivement primitive de la démocratie : une élection d'élève, et même président du conseil, sorte de consortium ultra-cliché sur la vie au lycée.
Et enfin il y a la narration : pourquoi faire comprendre des choses au spectateur fatigué qui vient vaillamment armé d'un neurone gonflé au pop-corn alors qu'à tous les moments où les choses sont suggérées on peut tout aussi bien produire un arrêt sur image, envoyer se faire voir chez les grecs, et cela au profit d'une bonne voix-off des acteurs qui nous expliquent de façon directe leurs ressentiments ? Cynique ? Non pas du tout.
En bref, en voulant de façon amusante inverser les rôles classiques du teen-movie en milieu scolaire et en inversant les rapports de force, le film manque le coche de proposer un exposé éclairé et nuancé au profit d'une diatribe obscure. Si l'échange des rôles est bien là et est plutôt bien fait et malin avec une forme très classique mais un fond à l'opposé total des standards du teensploitation, il ne sert qu'à dépeindre un monde au moins aussi cliché que le teen-movie classique sinon bien plus amère et faussé que ce dernier arrivant même à dépasser son original en ce qu'il a à vouloir se prendre au sérieux dans son regard assombri par de bien trop gros, c’est finalement le plus grand malaise de ce film.