Dans une ville de Tchécoslovaquie, au début des années soixante, Petr, un adolescent de dix-sept ans, vit au contact de parents modestes. Ceux-ci sont braves et plein de bons sens mais leurs idées sont étroites, rétrogrades et en rupture avec cette époque d'émancipation de la jeunesse. C'est pourquoi ce jeune garçon gauche et maladroit, élevé depuis sa plus tendre enfance dans le culte de la chasteté et du travail, est amené à débuter sa vie active comme surveillant dans un super marché afin de traquer les clients chapardeurs. Cette activité ne lui plaît pas et ne lui convient guère tant sa maladresse est flagrante. Celle-ci s'étend d'ailleurs à ses relations avec ses copains mais aussi à ses fréquentations avec les filles de son âge. Ce complexe récurrent est dû principalement à l'univers étouffant dans lequel il est amené à vivre.
Voici ce premier long métrage de Milos Forman et cette oeuvre est intéressante à plus d'un titre. En effet, elle nous décrit le fossé très profond entre deux générations au sein de ces années soixante où la jeunesse aspirait, à juste titre, à une plus grande liberté autant dans la pensée que dans les moeurs. Petr vit dans l'ambiance d'une famille ouvrière, croyante et déphasée par rapport à la société nouvelle qui pointe le bout de son nez. Le jeune homme aspire à une tâche plus en rapport avec ses goûts, d'où son manque de motivation dans un monde basé uniquement sur le labeur, un monde dans lequel pour être un homme il faut avoir les mains abîmées par le travail, un monde dans lequel les adultes estiment qu'à dix-sept ans vous êtes encore un enfant. Dans ce milieu on évite les sujets tabous comme ceux de la sexualité. Petr est donc amené à cacher à ses parents ses sentiments affectifs pour sa petite amie car à chacune de ses sorties il subit un interrogatoire en règle sur son emploi du temps. Ainsi les vraies valeurs de la famille ne sont que façade et la vie devient alors une épreuve de force entre les parents et leur fils. Dans ce monde sectaire et malade de son passé Petr essayera tant bien que mal de se sortir de ce milieu en fréquentant les bals où il se sent si mal à l'aise, devenant même la tête de turc des copains plus émancipés que lui.
Est-ce parce qu'il fut marqué par une enfance et adolescence douloureuses que Milos Forman débuta sa carrière de réalisateur de longs métrages avec un tel sujet? Certainement, car ses parents furent déportés alors qu'il avait neuf ans. Cet ainsi qu'il est recueilli par des proches avant de se retrouver placé dans un orphelinat. C'est pourquoi il s'attache à nous faire vivre avec naturel, réalisme et parfois d'humour le mal être d'un adolescent incompris et renfermé à cause de ses relations avec ses parents, des parents que le réalisateur n'eut pas le loisir de vivre bien longtemps. Sa jeunesse aurait-elle ressemblé à celle de son héros? Pourquoi pas... En effet, même si ce film donne parfois l'impression d' une certaine lenteur, il n'en est pas moins traité avec beaucoup d'observation et de sensibilité grâce à la prestation tout en légèreté de ses principaux acteurs avec mention spéciale à Ladislav Jakim dans le rôle de Petr, mal dans sa peau, Jan Vostrcil et Bozena Matuskova en moralisateurs obsédés par le passé. Ce film n'est peut être pas aussi bien maîtrisé et aussi corrosif que ses deux futures réalisations tchécoslovaques: "Les amours d'une blonde" et "Au feu les pompiers!" (voir mes articles de ces deux films) mais il demeure attachant par le reflet qu'il apporte sur une époque où on commençait à aborder des sujets jusque là tabous tel que la libération des moeurs et à croire en un monde plus juste et plus humain.
C'est vrai que depuis que Milos Forman a quitté son pays, ses oeuvres, la plupart splendides- budget aidant- sont diamétralement différentes et les sujets traités moins proches de l'observation du quotidien et des aléas de la vie. C'est pourquoi, si vous avez l'occasion de découvrir ce film, vous serez de plain-pied avec les vilains tracas et les petites joies que beaucoup de jeunes des année soixante ont connus dans une société en pleine transition.
Note: 8/10