Quand le film de Gérard Oury sort en octobre 1982, il est au cœur d'une polémique aussi absurde que stupide. Projeté le même jour qu'Une chambre en ville et avec un succès plus conséquent (5,4 millions d'entrées contre 231 624), des critiques s'insurgent dans Télérama de la couverture médiatique de L'as des as, faisant ainsi du tord au film de Jacques Demy. Il l'aurait ainsi empêcher de toucher un public plus populaire. Le réalisateur de Peau d'âne remercie les critiques pour avoir défendu son film, mais tempère la situation en disant que L'as des as n'est pas responsable de l'échec commercial de son film. La vedette du Oury Jean-Paul Belmondo se révèle beaucoup moins gentil envers les critiques : "Gérard Oury doit rougir de honte d’avoir 'préconçu son film pour le succès'. Jacques Demy a-t-il préconçu le sien pour l’échec ? Lorsqu’en 1974 j’ai produit Stavisky d’Alain Resnais et que le film n’a fait que 375 000 entrées, je n’ai pas pleurniché en accusant James Bond de m’avoir volé mes spectateurs. (…) Oublions donc cette agitation stérile et gardons seulement en mémoire cette phrase de Bernanos : 'Attention, les ratés ne vous rateront pas !". Un débat stérile qui n'est pas sans en rappeler tant d'autres depuis l'avènement des réseaux sociaux.
L'as des as conclue à sa manière la trilogie de comédies historiques réalisées par Gérard Oury. Après l'Occupation en France avec La grande vadrouille (1966) et l'Espagne du XVIIème siècle pour La folie des grandeurs (1971), c'est au tour des Jeux Olympiques de 1936 d'être le terrain de jeu du réalisateur. L'aventure est toujours de mise, non sans une certaine tension. L'as des as évoque les dérives nazies avec l'antisémitisme omniprésent, une famille fuyant l'Allemagne par tous les moyens en compagnie d'un Bebel pas très fan du Moustachu.
Dès lors, Oury nous balade de territoire en territoire avec un certain suspense, les nazis étant partout pour trouver la famille avant qu'elle ne passe la frontière autrichienne. Le réalisateur y va même d'un climax génialement improbable où la famille se retrouve dans la gueule du loup, avec l'ami Belmondo essayant de sauver les meubles malgré lui.
Puis L'as des as réserve son beau lot de scènes d'aventures avec des poursuites amusantes (dont celle où Rachid Ferrache a réellement piloté la voiture le temps de quelques secondes, à la grande frayeur de Belmondo et Rémy Julienne), des bagarres musclées, un saut en parachute et un prologue réussi en plein no man's land. Oury signe un pur film d'aventure historique, proposant à Bebel de sortir un petit peu de ses rôles habituels de flic même s'il reste dans le domaine de l'action (un vétéran devenu entraîneur de l'équipe française de boxe). Un plaisir auquel se rajoutent les excellents Marie-France Pisier, Frank Hoffman et Günter Meisner (dans un double-rôle bien trouvé) sur une musique entraînante de Vladimir Cosma.
Par la suite, Gérard Oury aura bien du mal à rebondir avec des bides (Le schpountz ou Fantôme avec chauffeur) ou des films clairement pas à la hauteur (La soif de l'or ou La vengeance du serpent à plume). L'as des as signe donc la fin de règne pour un roi du film populaire à la française.