J'ai redécouvert ce film hier avec un certain plaisir, je me souviens de ne l'avoir vu qu'une fois, un jour de grève de l'ex-ORTF ; oui parce que quand l'ORTF faisait grève, les 3 chaines d'alors diffusaient un film pris au hasard, je vous parle d'un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaitre, c'était comme ça dans les années 70 et 80. N'ayant plus aucun souvenir de ce qui se passait dans ce polar, j'ai au final été agréablement emballé, même si à première vue, il n'a rien d'exceptionnel.
En 1967, David Janssen est un acteur de télévision très populaire grâce à la série le Fugitif, on le connait surtout sous le nom de son personnage, le Dr Richard Kimble qui doit prouver son innocence dans le meurtre de sa femme. Ce film lui offre un rôle similaire de faux coupable, c'est un flic accusé d'avoir tué un toubib respectable qui l'a menacé d'une arme, mais il est impossible de retrouver ce revolver, le flic se lance alors dans une quête de vérité pour contrer son accusation d'homicide involontaire, et au final, il s'aperçoit que le toubib était beaucoup moins propre qu'on ne pensait. Comme on le voit, l'intrigue est assez simple, mais elle est plus subtile qu'elle n'en a l'air ; elle est inspirée d'un roman de Whit Masterson. Ce nom rappellera aux afficionados du roman et du film noir qu'il est aussi l'auteur du roman "la Soif du mal" dont Orson Welles a tiré un chef-d'oeuvre du film noir. C'est déjà une bonne garantie.
Buzz Kulik est un bon réalisateur de télévision qui réalisait ici son second film de cinéma, et à qui on devra ensuite le western Pancho Villa, le drame carcéral la Mutinerie ou encore le Chasseur, polar d'action qui sera le testament cinématographique de Steve McQueen en 1980. On n'a donc pas à faire à un quelconque tâcheron, j'aime beaucoup le style qu'il insufle à ce polar qui sent bon le parfum télévisuel des sixties. En effet, le style visuel et sa mise en scène font qu'on se croirait dans un épisode de Mannix, et c'est pas désobligeant de dire ça croyez-moi, parce que le style TV-film à cette époque était si soigné et si spécifique que c'était beaucoup plus proche d'un film de cinéma, par rapport à un TV-film d'aujourd'hui qui veut ressembler à un film de cinéma, car de nos jours, c'est moins réussi et on voit aussitôt les limites d'un TV-film, alors qu'ici, la distance entre télévision et cinéma était très mince. Sans doute que l'époque et le décor jouent beaucoup dans cette impression, le film est parfaitement ancré dans un milieu californien des 60's, et pourtant il n'y a pas d'action, c'est un film d'enquête, mais avec un petit aspect chandlerien.
De plus, Buzz Kulik insufle une certaine ironie et des sous-entendus érotiques dans les dialogues, en même temps qu'il se livre à une petite étude de caractères savoureuse. Le film bénéfice d'un autre atout de poids : le casting de soutien est exceptionnel puisqu'on y retrouve quelques vieilles gloires d'Hollywood comme Walter Pidgeon, George Sanders, Lilian Gish, Ed Begley, Eleanor Parker, Carroll O'Connor, Keenan Wynn... plus quelques autres comme Stefanie Powers, George Grizzard, Joan Collins ou Sam Wanamaker ; certains ont même de tout petits rôles et ne font l'objet que d'une petite scène, mais c'est toujours grisant de voir plein d'acteurs.
Ce n'est donc pas le polar du siècle, mais c'est très sympathique, bien élaboré, avec plusieurs fausses pistes et des personnages pittoresques, le tout sur une chouette musique jazzy de Jerry Goldsmith ; je trouve le dénouement peut-être un petit peu expédié ou peu crédible, c'est au choix, mais dans l'ensemble, c'est un bon film qui a la particularité d'avoir 2 titres français, puisqu'il est connu d'abord sous le titre la Nuit des assassins, L'assassin est-il coupable ? étant son titre de ressortie, que je trouve d'ailleurs mieux adapté.