« Pourquoi il fait ça, ton personnage ? Il doit aller dans l’espace pour échapper à des extra-terrestres ? - Ben non, il a juste envie d’aller voir comment ça se passe là-haut. »
Jim Desforges n’a pas besoin de raisons pour accomplir son rêve. Il a toujours voulu être astronaute, c’était comme une évidence. Alors aujourd’hui, il se lance seul dans la construction d’une fusée pour le premier voyage spatial en amateur.
Nicolas Giraud fait le pari de nous amener avec Jim dans ses songes, et c’est réussi. On déplorera quelques points négatifs, surtout dans la première partie du film dans laquelle le rêve a du mal à prendre. Des phrases parfois toutes faites, prononcées par des personnages entretenant des relations auxquelles on ne croit pas toujours ; quelques clichés, des pleurs, des émotions poussives à base de sourires plaqués sur les visages. Mais ce n’est pas ce dont on parlera ici, car ce qu’on retient, c’est la beauté et la poésie du film.
Le thème de l’espace se prête toujours à la poésie. Quoi de plus émouvant que l’image de la Terre vue de l’espace, corps flottant librement dans l’immensité de l’univers ? Mais malgré une histoire rocambolesque de fusée amateur, ce sont des sentiments profondément humains qui sont dépeints dans l’Astronaute, ceux de la liberté. La liberté de faire ses propres choix, du libre arbitre, celle de réaliser ses rêves.
L’année de son concours pour devenir astronaute, Jim finit troisième, c’est « celui qu’on ne choisit pas ». Alexandre Ribbot, ancien astronaute de l’ESA, faisait partie des décisionnaires. Le duo formé par ces deux personnages fonctionne bien. Jim et Alexandre sont les mêmes. Seulement, l’un a déjà fait son temps dans l’espace, et est parti s’exiler dans la montagne, peut-être pour rester au plus proche du firmament ; l’autre en rêve encore, et y consacre plus de huit ans de sa vie. En acceptant de l’aider, Alexandre offre à Jim une seconde chance, et la liberté d’enfin réaliser son rêve. Peu à peu, il s'affranchit de la pression de ses fantasmes, comme toutes les chaînes qu’il laisse derrière lui dans la piscine lors de ses entraînements de préparation à la gravité zéro.
Mais L’Astronaute n’est pas l’histoire de l’ambition folle d’un seul homme, mais d’un espoir collectif de voir l’être humain sillonner l’univers. Alors une fusée amateur, oui, mais la construire seul, non. Et ils sont plusieurs à vouloir l’aider, tous des passionnés qui rêveront avec lui, peu importe leurs propres raisons. Pour Izumi Sayako, une jeune mathématicienne, c’est la nécessité d’aller conquérir d’autres mondes, et quel meilleur symbole d’espoir pour cela que ce premier vol amateur ? S’il y arrivent, cela signifiera que le jour où l’humanité aura besoin de s’envoler dans le ciel, tout le monde aura sa chance, tout le monde aura la liberté de vivre.
Comme le rappelle Alexandre, « l’espace n’est pas à tout le monde », et la conquête spatiale était jusqu’à présent réservée aux institutions. Ainsi, le film réconcilie la Grande Histoire et les petites histoires individuelles. Celle du grand-père, symbole d’une époque et d’un désir inassouvi. Celles d’hommes et de femmes, assis dans un canapé, visionnant à la télévision le premier pas sur la lune, et qui se racontent ces anecdotes des décennies plus tard. Celles de l’envers du décors, de tous ceux qui ont rêvés et travaillés avec les astronautes pour atteindre un objectif fou, tellement inconcevable qu’encore aujourd’hui, certains croient à un complot. Alors, après tout, construire une fusée chez soi, pourquoi pas ?
Lorsque Jim s’apprête à entrer dans la capsule, perché sur sa plateforme élévatrice, la mise en scène rend l’instant monumental. Les plans sont serrés sur les visages illuminés, sur les courbes de la fusée, la musique est grandiose. On est bel et bien émerveillés. Puis on prend du recul, un plan éloigné nous montre la fusée élevée au milieu de nul part, une grue, une poignée de personnes, une forêt, et le ciel. La sobriété du moment est tellement saugrenue que l'événement semble d’autant plus incroyable. Ensemble, ils s'apprêtent à écrire un nouveau chapitre de la Grande Histoire, mais à échelle humaine. En repoussant les limites, ils tentent de se libérer de leur condition d’être humain. N’est-ce pas pour cela que l’on cherche à atteindre les étoiles ? C’était l’intention d’Alexandre lorsqu’il détacha volontairement le cordon le reliant à la station spatiale, dernier fil le reliant à la civilisation et à la vie. C’est aussi ce qu’offrira Jim à son grand-père en lâchant ses cendres lors de sa sortie extra-véhiculaire, pour un final émouvant. Cela donnera un magnifique plan où les poussières se mélangeront avec la lumière des étoiles qui tapissent le fond noir de l’espace, et elles flotteront pour l’éternité dans le vide spatial. La liberté totale.
À l’heure du retour sur Terre, Nicolas Giraud nous propose un Happy End prévisible mais lourd de sens. Jim était prêt à mourir pour s’enfuir dans l’espace, il aurait pu choisir de rester là-haut. Mais il est désormais libéré du poids de son propre rêve. Au lieu du traditionnel, « Je peux mourir maintenant », ce « J’arrive » prononcé dans les dernière secondes du film sonne plutôt comme un « Je peux vivre maintenant ».