(Volontairement ?) oublié

A mes yeux, l'un des rôles du cinéma, comme art, et lorsque les rouages d'un système journalistique plus intéressé par l'instantané que par l'Histoire y failli, c'est d'informer.

L'Attentat est un film d'information. Il braque les projecteurs sur un sujet tabou, comme l'ont fait Philadelphia ou Spotlight à d'autres époque. Cette fois, c'est l'affaire Ben Barka. Un démocrate marocain exilé par son gouvernement géré par les militaires, une mystérieuse disparition devant un restaurant parisien, et une participation de la police française tout aussi mystérieuse. Une affaire toujours pas réglée, et qui ne le sera sûrement jamais.

Ce film n'a pas échappé à la censure, malheureusement. Des scènes de torture qu'il a fallu retourner plusieurs fois, des bobines qui disparaissent pendant le tournage. Et un film a disparu des mémoires collectives (seulement 188 vues par les membres de SC en Juin 2020), et ce volontairement ?

Dans ce film, on assiste d'abord à de belles rencontres Gian Maria Volonté face à Michel Piccoli (dans une scène d'interrogatoire tendue), Roy Scheider avec Jean-Louis Trintignant, Jean Seberg et Bruno Cremer. Un pont entre tant de cinéma différent. Le film est porté par ce casting 5 étoiles, complété par François Périer, Michel Bouquet, Philippe Noiret, et tant d'autres.

Ce film (que j'ai vu malheureusement dans une version à la qualité d'image discutable) est âpre et froid, comme les décors hivernaux que traversent ses personnages. Leur dualité nous fait douter de chacune des paroles, des promesses. Face à ce ramassis de traîtres et de condés, la figure de Sadiel (le Ben Barka de notre histoire) lumineux et déterminé, et magnifiquement interprêtée par Gian Maria Volonté, émerge. Le film est traversé par quelques plans audacieux (une poursuite dans les bidonvilles légèrement accélérée), mais il reste sobre la plupart du temps, nous mettant dans la peau d'un observateur impuissant face à la machination qui se met en place sous nos yeux.

L'Attentat est un film important. Il n'a sûrement pas la qualité artistique d'un Z, mais il montre sans concession la réalité de notre Histoire, quitte à la remettre en cause.