Entre onirisme malsain et balade morbide poétique.
L’histoire est somme toute simple, une jeune New-Yorkaise débarque à la Nouvelle-Orléans pour retaper un vieil hôtel dont elle a hérité. Le dit hôtel est une vieille bâtisse dans un état de délabrement complet qu’on dit hanté. Il y a 60 ans, un peintre maudit a été assassiné sauvagement par des habitants du coin au sein même de l’hôtel qui serait d’après la légende basée sur l’une des 7 portes de l’enfer.
Ici encore, on retrouve des zombies qui comme dans Frayeurs pourraient tout aussi bien être des fantômes, avec Lucio Fulci, on n’est jamais bien sûr, en tout cas, ce sont bel et bien des morts qui reviennent hanter les vivants. Le zombie qu’on pourrait apparenter à un patient zéro, semblant mener la danse, fantôme revanchard du peintre assassiné de la pire des manières, inflige un sort peu enviable aux pauvres malheureux traînant sur sa route, dose d’acide sur le visage, traitement semblant réglementaire avec le pauvre diable qui souhaite mener sa propre danse de la mort. La contamination se fait bel et bien, mais là encore, les apparitions du dis zombie et des petits qu’il engendre ont tout du fantôme, leurs apparitions sont mystérieuses, et peuvent survenir à n’importe quel instant. Mais il n’y a pas que les zombies qui sont fantomatiques et mystérieux, il y a aussi ce livre qui apparaît et disparaît à volonté, et une jolie aveugle nommée Emily qui semble intimement lié au destin effroyable des zombies.
L’enquête menée par l’héroïne, Liza une jeune femme très moderne qui semble vouloir mener ses affaires sans l’aide de personne, et dont les manifestations de fantôme ont tendance à la rendre complètement folle, accompagnée de John le médecin qui va être confronté de près aux zombies puisque ces derniers commencent leur invasion avec l’hôpital, (on peut noter à ce moment-là une certaine ingéniosité puisque les cadavres attendent le bon moment pour se réanimer) est assez maladroite, et certaines réactions comme les hurlements de frayeurs de Liza comme la réaction froide et machiste de John stéréotypent un peu trop ce duo de personnages les rendant parfois limite ridicule.
Il n’y a pas que les réactions parfois un peu sur jouées voire théâtralisées des acteurs qui gêne dans le spectateur, il faut aussi affronter une narration aventureuse et souvent maladroite, une mise en scène qui ne parvient jamais à gérer le suspense toujours excessivement mal dosé, l’attente est trop longue, l’apparition ne nous surprend jamais alors que, dans l’idée elles auraient pu être géniales. Le montage est souvent abrupt, manquant de rythme et les enchaînements des séquences sont parfois très brute de décoffrage, le son peu soigné au mixage est aussi assez chaotique. On pourrait accuser Fulci de s’être très fortement inspiré de Suspiria en voyant la scène des mygales, qui n’est pas sans rappeler la scène de la mort de l’aveugle dans Suspiria. Ajoutez à cela le vieillissement de certains effets, la lentille opaque blanche de l’aveugle visible dans les gros plans, les effets gores ayant vieilli et surtout les zombies aux yeux fermés de la fin ressemblent plus à des somnambules qu’à de vrais morts marchants en quête de chair fraîche. Non les défauts ne manquent, malheureusement, pas dans l’Au-delà.
Pour autant, les effets gores aussi multiples que soignées, que la mise en scène prend le temps et le soin d’y consacrer de nombreux plans ainsi qu’un laps de temps considérable donne un effet étrange comme si le gore avait droit à ses propres séquences, dans une temporalité qui pourrait dont ralentir pour un effet, souvent d’ailleurs exagéré, comme le clou qui parvient à énucléer la victime malgré la petite taille du clou et l’épaisseur de la boîte crânienne dans laquelle il s’enfonce, ou bien la quantité affolante de sang et de chair liquéfiés que produit un visage rongé par de l’acide, tout cela finit par créer sa propre poésie par un effet bien connu de distorsion de la réalité. Ce surréalisme très poussé dans l’Au-delà, donne par un drôle d’effet de conséquence une certaine poésie mêlée de gore et d’une ambiance typique louisianaise parfaitement retranscrite qui existe dans chaque Fulci, il est vrai.
Ce qui différencie L’Au-Delà des autres bobines gore du père Fulci c‘est aussi l’ambiance colonialiste typique de la Louisiane. On regrette presque que la bande sonore ne soit pas plus jazzy, mais les longs plans sur la végétations rougie par le lever du soleil, les arbres pleuvant sur les maisons délabrées, cet aspect fantomatique de la Nouvelle-Orléans privée de ses habitants rappelant les premiers pas dans la ville de Commachio dans La Maison aux fenêtres qui rient, et la magnifique maison d’Emily, tout cela offre une ambiance très particulière au film et accentue la poésie du film.
Au fond, si l’on parvient à faire abstraction de ses multiples défauts, on peut aussi y voir ses qualités, une ambiance très présente qui est galvanisée par cette lumière douce et pâle qui enveloppe les personnages comme les décors, certains plans jouant avec les miroirs ou l’architecture étrange de la morgue par exemple sont d’une rare beauté, la musique magnifique composée par Fabio Frizzi, et puis la référence à L’Enfer de Dante via la peinture qui semble fortement lié à l’intrigue et aux zombies rappelant les gravures de Gustave Doré, sans parler de la manière dont le mal contamine même les survivants qui deviennent aveugles après avoir côtoyé le mal de près, à la manière dont Lovecraft contamine les victimes de Cthulhu par la folie, Fulci les rend aveugles.
Ne nous voilons pas la face, l’Au-delà contient de nombreux défauts, pour autant, il touche au sacré, et c’est ce pourquoi il est culte et considéré comme un classique. On retrouve dans ce métrage des références à ses pairs nullement cachés, on pense à Suspiria par l’aspect fantomatique des apparitions des zombies mais aussi à La maison aux fenêtres qui rient avec le destin du peintre et son rôle dans le cœur de l’intrigue par-delà la mort. Mais surtout, il y a cette ambiance à la fois glauque et onirique, morbide et chimérique, pleine d’une cruauté malsaine ponctuée de visions cauchemardesque, mais toujours avec cette lancinante poésie si particulière que possède Lucio Fulci, présente dans chacun de ses films, comme une sorte de danse des morts moderne.