Un homme, puis une femme, le regard plongé dans le nôtre - et vice versa. Ce lieu de l'échange est l'écran témoin d'une table de montage. Le dispositif est rigoureux, ne bouge pas. Il n'y a que la largeur qui change, mais le travail de montage des acteurs contamine le montage le film monté et la variété des cadres, de leur rythme fait son office petit à petit, replongeant son regard dans ce puits que nous sommes: l'imaginaire.
Il y a aussi une histoire d'amour, ou sensuelle au moins, qui se noue dans le travail et le dialogue. Il y a, cela va de soi ou presque étant donné le dispositif lui-même, un discours sur le cinéma, toujours à la limite du pontifiant mais qui a aussi ses fulgurances discrètes, qui sait se mettre entre question et se relancer, ne serait-ce que par la présence féminine. Mais la mise en scène reste la clé de voûte de ce discours, clé silencieuse, fascinante comme le regard happé par l'image invisible à force d'être bue, sa base puissante aussi qui va finir par s'élancer au ciel. Hanoun garde cela pour la fin, avec une première échappée hors de la salle de montage où ils restent cloîtrés (soulignons), un premier surgissement d'images mais qui, dit-on, n'ont pas été filmées, autrement dit une sorte de négatif du dispositif qui est soudain ébloui par son propre désir... Vu dans une copie qui vire au vert ou au bleu, et je crois que l'effet n'en est pas moindre, tant le mental et le vu finissent par ne faire qu'un, dans un recollement tel une poignée de mains amoureuses. Éblouissant de simplicité, en fin de compte.