Après six années d'absence, le réalisateur finlandais Ari Kaurismäki revenant dans son pays après une incursion française du côté du Havre choisit d'aborder la thématique des migrants. Comme un grand auteur qu'il est, il le fait en l'adaptant à ses codes cinématographiques habituels, et non l'inverse. Ainsi les amateurs de l'auteur de La Fille aux allumettes ne seront-ils pas surpris du laconisme général, de la présence de musiciens, de décors de port, de bar et de restaurant. Et surtout d'une tenace mélancolie qui semble dorénavant avoir envahi aussi bien les autochtones que les migrants venus de Syrie ou d'Irak.


En suivant l'itinéraire de quelques hommes, des réfugiés donc mais aussi un homme vendeur de chemises qui plaque sa femme et son boulot pour reprendre un restaurant en vente, le cinéaste n'ambitionne pas d'être réaliste, seulement de rendre un peu plus palpable, compréhensible et apaisée une problématique qui divise aujourd'hui l'Europe – et dans laquelle son pays n'a pas non plus particulièrement brillé.


Malgré la mélancolie qui confine de plus en plus à une tristesse indélébile, il reste l'humour du désespoir et l'élégance des laissés-pour-compte qui instituent la solidarité comme art de vivre. Khaled, le migrant syrien, se voit offrir un job par le nouveau patron du restaurant et est secouru par une bande de sans-abris lorsqu'il est agressé par des néonazis. Un restaurant qui devient d'ailleurs un rendez-vous cosmopolite au fur et à mesure de ses nouvelles propositions : cuisines japonaise ou indienne dans un amateurisme foutraque.


L'ensemble peut paraître simple et dépouillé mais il ne doit pas masquer la maitrise de la mise en scène : la palette chromatique, le rigueur du découpage et du montage, la morgue des comédiens. D'autre part, il est soutenu et magnifié par la bienveillance chaleureuse et jamais ostentatoire de son auteur qui reste plus que jamais humaniste. Sous son aspect modeste, L'Autre côté de l'espoir n'en est pas moins un grand film. Indispensable et précieux, lucide et réconfortant.

PatrickBraganti
9
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Films vus en 2017

Créée

le 17 mars 2017

Critique lue 932 fois

11 j'aime

1 commentaire

Critique lue 932 fois

11
1

D'autres avis sur L'Autre Côté de l'espoir

L'Autre Côté de l'espoir
Roinron
7

Tant qu'il y a de l'humour, il y a de l'espoir

Kaurismaki s’intéresse au problème des migrants syriens et irakiens en Europe, en faisant du Kaurismaki, c’est à dire avec un humour pince sans rire, une économie de mots dits et une mise en scène au...

le 1 avr. 2017

22 j'aime

17

L'Autre Côté de l'espoir
SanFelice
8

Les hommes sans présent

J'aime bien le cinéma d'Aki Kaurismaki. Son minimalisme, son esthétique doucement désuète, ses décors intemporels qui semblent être bloqués dans les années 70, ses personnages un peu ridicules au...

le 14 déc. 2017

20 j'aime

L'Autre Côté de l'espoir
Clode
7

Kafe Moskova

Au kafe Moskova - le bar de Kaurismaki - sous les néons jaunes on boit des vodkas. De gros rideaux blancs et rouges sont tirés sur la baie vitrée. Je pense qu’il neige. J’aime la neige. C’est...

le 14 févr. 2018

15 j'aime

5

Du même critique

Jeune & Jolie
PatrickBraganti
2

La putain et sa maman

Avec son nouveau film, François Ozon renoue avec sa mauvaise habitude de regarder ses personnages comme un entomologiste avec froideur et distance. On a peine à croire que cette adolescente de 17...

le 23 août 2013

91 j'aime

29

Pas son genre
PatrickBraganti
9

Le philosophe dans le salon

On n’attendait pas le belge Lucas Belvaux, artiste engagé réalisateur de films âpres ancrés dans la réalité sociale, dans une comédie romantique, comme un ‘feel good movie ‘ entre un professeur de...

le 1 mai 2014

44 j'aime

5