Après six années d'absence, le réalisateur finlandais Ari Kaurismäki revenant dans son pays après une incursion française du côté du Havre choisit d'aborder la thématique des migrants. Comme un grand auteur qu'il est, il le fait en l'adaptant à ses codes cinématographiques habituels, et non l'inverse. Ainsi les amateurs de l'auteur de La Fille aux allumettes ne seront-ils pas surpris du laconisme général, de la présence de musiciens, de décors de port, de bar et de restaurant. Et surtout d'une tenace mélancolie qui semble dorénavant avoir envahi aussi bien les autochtones que les migrants venus de Syrie ou d'Irak.
En suivant l'itinéraire de quelques hommes, des réfugiés donc mais aussi un homme vendeur de chemises qui plaque sa femme et son boulot pour reprendre un restaurant en vente, le cinéaste n'ambitionne pas d'être réaliste, seulement de rendre un peu plus palpable, compréhensible et apaisée une problématique qui divise aujourd'hui l'Europe – et dans laquelle son pays n'a pas non plus particulièrement brillé.
Malgré la mélancolie qui confine de plus en plus à une tristesse indélébile, il reste l'humour du désespoir et l'élégance des laissés-pour-compte qui instituent la solidarité comme art de vivre. Khaled, le migrant syrien, se voit offrir un job par le nouveau patron du restaurant et est secouru par une bande de sans-abris lorsqu'il est agressé par des néonazis. Un restaurant qui devient d'ailleurs un rendez-vous cosmopolite au fur et à mesure de ses nouvelles propositions : cuisines japonaise ou indienne dans un amateurisme foutraque.
L'ensemble peut paraître simple et dépouillé mais il ne doit pas masquer la maitrise de la mise en scène : la palette chromatique, le rigueur du découpage et du montage, la morgue des comédiens. D'autre part, il est soutenu et magnifié par la bienveillance chaleureuse et jamais ostentatoire de son auteur qui reste plus que jamais humaniste. Sous son aspect modeste, L'Autre côté de l'espoir n'en est pas moins un grand film. Indispensable et précieux, lucide et réconfortant.