Six ans après le succès planétaire d'Un homme et une femme, Claude Lelouch est un des cinéastes français les plus connus. Il a pris ses distances avec la Nouvelle Vague, à laquelle on l'assimilait et il se montre peu engagé en général, au sens politique et social. Par conséquent la critique n'est pas toujours de son côté. En 1972, où la culture est extrêmement politisée et sous influence des soixante-huitards, il présente L'aventure c'est l'aventure, comédie à très gros casting. C'est l'un de ses plus gros coups et l'opus le plus souvent apprécié par les non-adeptes de Lelouch.
Il n'est pourtant pas si différent des autres. L'humour est parfois décalé, l'originalité feutrée de Lelouch est présente ; d'ailleurs on ne pourrait reprocher à Lelouch un manque de sincérité ou une tiédeur face à ses propres desseins ; comme il l'indique dans son film suivant, La Bonne année, il est un cinéaste enclin à « prendre des risques ». Par conséquent se retrouve cette niaiserie des paroles, des points de vue des protagonistes, de l'écriture en général ; mais aussi un vrai sens du rythme et une aptitude à faire descendre cette trivialité sans grâce dans des costumes rayonnants.
Empiriquement, le film va très vite, pourtant il est prodigieusement plombant. La circonspection et l'ennui qu'il suscite se nourrissent mutuellement. Lelouch dénonce les intellectuels et les passions de son temps, avec un certain panache dans la critique, une franchise louable, mais sa charge est aussi directe que dépouillée. La faute en revient probablement à cette trop grande affection pour les crétins à l'oeuvre ; ce gang de malfrats trouvant dans la politique le champ d'action le plus juteux. En somme, Lelouch rejoint par son positionnement Leone dans Il était une fois la Révolution, sauf que cette fois ce ne sont plus les puissances établies mais les petits malins qui tirent des bénéfices de l'enthousiasme des autres. Ce cynisme n'est nullement sondé, sauf pour quelques effusions publiques, lorsque les bandits parvenus au sommet enchaînent les slogans gauchistes face à une foule conquise.
Pour le reste, il n'y a de place que pour leurs 400 coups, ponctués par les cours de politique où Lelouch force le trait avec cet aplomb enfantin habituel. Comme ces 'visionnaires' un peu crétins qui circulent, il a des arguments forts (le kidnapping de Johnny Halliday) mais inintelligents. Le divertissement pur en est affecté. Ventura et les autres sont très bons (sauf Brel, pas du tout à l'aise) mais le trajet est tellement insignifiant que leur présence en devient gênante. Ils s'engourdissent avec le reste, font leurs numéros de bœufs couillus et penauds dans leur nouvelle vocation. Le climax, c'est-à-dire la scène de la plage, est désolant et pittoresque comme tout autour mais avec plus de force. Il y a un stade où la candeur zélée, même caustique et lucide, ne peut servir décemment ni la farce ni le commentaire.
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