Clint Eastwood ne m'a jamais déçu; du moins en tant que réalisateur. Pour sa carrière d'acteur, on ne peut pas dire que ce soit la même chose ( la faute à l'Inspecteur Harry et ses suites hasardeuses ), mais passons; ne jouant pas dans le film en question, cela ne nous concerne pas. Non, ce qui nous intéresse, c'est surtout son travail d'auteur/réalisateur; parce que lorsqu'il met en scène, Eastwood fait un travail de dingue, un travail d'auteur.


Renouvelant l'expérience de sublimer un travail déjà bien honorable, le metteur en scène revient en force avec une oeuvre forte, poignante et marquante, noire au point d'en devenir abyssale; ici, tout est triste, tout est sombre. L'homme est glauque, il est mauvais par nature; l'homme empoisonne la société, viole ses lois, tue ses enfants. Aux femmes de rétablir l'ordre des choses, bien sûr; ne restant plus d'espoir pour que justice soit faîte, c'est donc à Angelina Jolie de tout faire pour retrouver son gosse, enlevé par un sérieux connard.


Le pitch est simple, direct et sans concession : "L'échange", c'est l'histoire paranoïaque ( et vraie ) d'une mère que l'on tente d'étouffer dans son propre chagrin, que l'on empêche d'obtenir justice équitable par soucis de fierté, d'un orgueil mal placé; les flics sont aussi trop vaniteux pour réagir avec objectivité et neutralité. Ils font tout pour le bien être de leur image publique, cirent les bottes des médias par de fausses nouvelles auxquelles le peuple aime bien croire. Lorsqu'il s'agit de rétablir la vérité, on tue les sources du savoir. Telle était la justice américaine des années 20.


Voilà donc un tableau sombre et oppressant, une sorte de société dystopique qui ne serait pas dans notre futur, lointaine et inespérée, mais bel et bien dans notre passé; c'est sur ces bases ci que la société d'aujourd'hui s'est fondée, a construit son édifice de fierté. Faut le dire, y'a vraiment pas de quoi être fier.


Il reste à noter que l'actrice principale du film tient l'oeuvre sur ses deux bras, frêles. Angelina forte, Jolie demoiselle au teint pale caché par une tonne de beauté superficielle, voilà donc une strong independant woman comme les aime le public occidental : belle, forte et fragile, elle trouve son indépendance dans sa force de caractère, son charisme dans ses convictions profondes, dans ses valeurs bonnes et ancrées.


Excellente actrice, voilà qu'elle en viendrait presque à faire de l'ombre à un Malkovich peu présent; Angelina monopolise l'attention, et c'est tant mieux comme ça. Ne l'appréciant guère dans ses rôles habituels, je dois confesser avoir été très agréablement surpris; c'est qu'elle le vit, son rôle; quand elle souffre, tu souffres; quand elle pleure, tu pleures. C'est magnétique, viscéral, magistral.


Bilan des courses? "L'échange" est un film profondément triste, empreint de folie, porté par un casting qui en veut autant qu'il en jette. Sublimement mis en valeur par une mise en scène de grand prestige, il sait pertinemment comment ménager les tensions et préparer la venue des émotions, toutes plus fortes les unes que les autres. Un film éprouvant, une oeuvre étouffante dont on ne ressort pas indemne.

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le 15 nov. 2016

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FloBerne

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