‘Lunana : A Yak in the Classroom’ est un très joli petit film, devant lequel on passe un excellent moment. Premier film bhoutanais que je vois et premier film bhoutanais nommé à l’Oscar du meilleur, Pawo Choyning Dorji signe un film sensible et émouvant.
Ugyen a terminé quatre de ses cinq années obligatoires de formation en tant qu'enseignant pour le gouvernement. Cependant, il n'aime pas enseigner et souhaite déménager en Australie pour devenir chanteur. Lorsqu'il est chargé d'enseigner dans le village de montagne isolé de Lunana, il envisage de quitter son emploi, mais sa grand-mère le presse de terminer son devoir d'enseignant. Il décide d'accepter la mission et quitte la ville.
Bien sûr, sa nouvelle vie sera un choc. Le village vit coupé du monde, à peine relié à la civilisation par trois ânes qui acheminent de temps à autre des marchandises. Pawo Choyning Dorji fait le choix de la comédie des contraires, comme l’avait fait en leur temps Toledano et Nakache avec ‘Intouchables’. La recette pourrait être usée mais ici cela fonctionne bien. Cette mission sera l’occasion pour le héros d’une réflexion spirituelle.
Ce film est bien sur un documentaire pour ceux (comme moi) qui connaissent peu ou mal ce pays d’Asie. Bien que peu peuplé (788000 habitants en 2022), une scission sépare la société. Il y a les Bhoutanais des villes qui vivent en plein dans la mondialisation, qui rêvent de partir en Australie et qui parlent en anglais. A l’opposé, il y a les rats des champs qui vivent coupés du monde en hivers, et à peine moins l’été. Ils cultivent le blé, élèvent des yacks, perpétuent les traditions et les rites. C’est un monde plus lent, qui s’oppose à un mode de vie plus accéléré. Mais pour combien de temps ? Car cet enseignant est justement le représentant, hors de ce village et qui poussera peut-être ses élèves hors de ce monde.
Ce film rappelle à certains égards (pas tous) le chef-d’œuvre de Francesco Rosi ‘Le Christ s’est arrêté à Eboli’. Ici, l’exil n’est pas politique mais il est contraint par l’Etat. Il découvre un milieu de vie qui est loin du sien, s’y familiarise. Mais surtout, les fins sont assez similaires. Les deux hommes repartiront chez eux, malgré s’être assimilé. Les gaps culturels, sociaux sont trop forts pour que l’assimilation soit totale. Une scène très forte entre Ugyen et le chef du village vient rappeler la différence de mentalité. Le chef du village reproche au jeune professeur de quitter le Bhoutan pour l’Australie alors que le Bhoutan est le pays du ‘Bonheur national brut’. Il y a les sédentaires quasi-autarciques et les nomades mondialisés.
Très bien interprété, ‘Lunana : A Yak in the Classroom’ est un très joli film, modeste, émouvant et qui vaut franchement le détour. Et puis on ne voit pas un film bhoutanais tous les jours.