A l'heure de la séparation, on compte tout sauf l'histoire et les sentiments qui n'ont pas de prix mais qui ont de la mémoire. Dans un beau film, qui se joue à cinq, Joachim Lafosse met en scène les comptes de la séparation, précisément ciblées «l'économie du couple»... comme une étude de cas! C'est un jeune couple, parents de jumelles espiègles et ravissantes, un bel appartement, rez-de-chaussé sur jardin, décoré avec goût et , à le voir, il y fait bon vivre.
Mais voilà, la vie n'est pas linéaire et à deux elle fait parfois des bonds incontrôlables. Chacun est venu avec ce qu'il était et ce qu'il avait. Elle avait les moyens d'acheter, pas lui. Mais il avait les moyens (compétences) pour faire les travaux et il a tout fait, avec amour, ajoute-t-il.
A l'heure du bilan, des comptes, c'est le matériel qui prend le dessus et Joachim Lafosse servi, si on peut dire, par deux excellents acteurs (Bérénice Bejo, Cédric Kahn) donne le ton juste de la rupture, des sentiments, du rejet, de l'ambivalence que la recherche du juste prix suscite.
Quand la décision de séparation s'annonce, chacun est à un palier différent dans la relation. Aussi, dans l'acte de se séparer, la recherche de l'équité, de la justice dans les comptes, le prix juste n'est pas tout à fait le même pour chacun, quelque soit la réalité comptable! Même si ce film aborde un milieu aisé, le conflit dans le couple dit quelque chose de "l'être et l'avoir", celle qui possède et celui qui n'a que "sa force de travail" ou en tout cas le seul bien qu'il semble pouvoir "monnayer". Mais ce n'est pas l'intimité dans la lute des classes, au mieux ce serait la lutte des places...
Le huis clos, dont Joachim Lafosse a déjà traité dans d'autres films, me paraît ici une réussite cinématographique sans ajouts pour justifier l'un ou l'autre, sans jugement laissant une grande liberté d'interprétation. Les séquences dans l'espace, que tout d'un coup paraît confiné, étroit de l'appartement sont filmées sans éluder la tension voire la violence latente tout en préservant leur volonté commune de protéger les enfants.
Justement sur les enfants, les deux filles, filmées avec ce que j'appellerais beaucoup de doigté, de finesse, de tendresse, de respect pour ce qu'elles sont, ce qu'elles ressentent et ce qu'elles finissent par exprimer, spontanément... naturellement, avec cet espoir secret de réussir à rassembler les parents.
En se croisant dans la cuisine-salon, en train de plier la table, il laisse échapper «et une thérapie de couple...?» qu'elle commente à peine, avec un revers de la main. Je me suis posé la question de la médiation familiale, aurait-elle une pertinence dans cette recherche d'un accord? D'autant plus que nous venons d'assister à un débat quelque peu biaisé sur le divorce sans juge... pour faire baisser la pile de dossiers en attente. Mais le mieux c'est d'aller voir «l'économie du couple», histoire d'apprendre de la vie des autres qui, directement ou pas, ne nous est pas si étrangère.
https://blogs.mediapart.fr/arthur-porto/blog/060616/les-comptes-de-la-separation