Audacieux
Il faut être fou pour adapter "L'écume des jours", ou ambitieux, en fait je crois que ces deux choses vont ensemble. La chose que l'on remarque dès les premières minutes et qui sera vrai pour le...
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le 25 avr. 2013
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"L’écume des jours" est un film dont on ne sort pas indemne, une histoire d'amour profondément originale ravagée par le drame en fin de parcours. Les fantaisies du cinéaste, a l'instar d'"Eternal sunshine" sont parfois terrifiantes : ainsi des le début, Colin se coupe les cils et un cil tombe et il y a du sang ou encore la poignée de main à 360 degrés de Chick, le broyage d’êtres humains dans la scène où celui-ci devient fou, Jean-Sol Partre qui n'a pas d’œil gauche pour ne citer que quelques unes qui m'ont fait peur surtout cette dernière. Enlevons toutes ces fantaisies et le film est un chef d’œuvre.
Les acteurs, Romain Duris, Audrey Tautou et Omar Sy sont excellents, comme peu d'acteurs, Duris incarne la rage quand vient le moment de perdre la bien aimée, Audrey Tautou, sobre est impeccable, incarne une certaine mélancolie détachée quand à Omar Sy, il surprends de bout en bout et il est particulièrement bon, on oublie pas Alain Chabat irrésistible en cuisinier. On note que Michel Gondry lui-même apparaît en docteur qui as un certain penchant pour les patientes et fait lui-même quelques clins d’œils : il est particulièrement savoureux.
Le film est une performance d'acteurs mais aussi une impressionnante mise en scène, dès le début : on est servi et impressionné. Les décors toujours surprenants sont autant de tiroirs pour laisser une originalité profonde. On sait fort bien que le film, d'abord un livre, est un livre et que l'ensemble est une mise en scène, comme dès le début ou des personnages dans une entreprise racontent l'histoire de Colin et au fur et a mesure, même lui tentera de sauver sa propre vie.
Le film dure plus de deux heures dix mais on ne les voit pas passer, on est toujours ébahi par ces scènes qui s’enchaînent, le film est très drôle et stupéfiant, il va très loin et Gondry as pris de la liberté (je doute qu'un baiser lesbien soit bien passé si il est dans le livre sorti en 1947), le film se déroule en 2012 (l’année du tournage), comment on le sait ? A un moment, le personnage incarné par Omar Sy prétends avoir trente-deux ans, sa copine lui demande son passeport et il est indiquer qu'il est en 1965 et lui dit qu'il a 47 ans : faites le calcul.
Outre un profond goût pour une mise en scène extrêmement inventive, on note un soin particulier apporter à la bande-originale faite de jolies chansons, la quasi-totalité anglophones. La chanson finale pour une chanson française est plutôt bien faite et résume le film. Comme c'est un film français, je m'attendais à une mauvaise interprétation, des fantaisies gondryiennes qui vont trop loin, une lenteur incroyable : c'est quasiment tout le contraire.
Le film prends son temps et comme souvent chez Gondry, il prends au final le parti Humain, parfois des émotions parfaitement incarnés par des interprètes impeccables, soudain réalistes, des choses qui nous touchent comme la perte de l’être aimé. Le film est très franc, très réaliste sur les émotions humaines, comme le cinéaste voulait nous toucher parfois directement. Ses fantaisies nombreuses sont là pour nous divertir et aussi des pourquoi ? Des pourquoi : il y en a plein.
Au final, peut-être que toute cette univers où il aurait pu faire arriver plein de choses est anecdotique : ce n'est qu'un prétexte a Gondry pour se régaler. Parce que l'histoire racontée est très simple qui aurait pue être raconter sans les décors et les fantaisies autour.
Mais bon, ça donne quelques bons gags et nous emmène dans un univers différent, surréaliste mais en même temps très réaliste : réalisme pour réduire les êtres humains en esclave, ainsi que pour les rêves un peu érotiques et les souvenirs aussi. Le film traitant ses êtres humains en esclave frappe là ou ça fait mal, car derrière ses décors surréalistes, se cache bien une réalité que Gondry ne fait que survoler via quelques scènes assez pénibles à regarder, lui ce qu'il intéresse : c'est l'histoire d'amour. On est un peu emmerdé par des dialogues au début un peu chiants, trop polis, jusqu’à ce que Nicolas décide de parler normalement, là tout le monde s'y met et le reste des dialogues sonne plutôt juste, on note plusieurs scènes musicales : notamment quand Chloé et Colin chantent ou encore celles avec Duke Ellington, mais l'une des plus belles scènes du film pour moi est la première fois où ils font l'amour, ils sont dans l'eau, les images sont magnifiques, Duris et Tautou en parfait osmose. Le sexe, il y en as et Gondry visiblement se régale mais il n'est pas cru. Audrey Tautou fait visiblement beaucoup d'effet au cinéaste et la montre quasiment nue et jouer au docteur pour pouvoir la palper : preuve qu'elle lui fait de l'effet, d'ailleurs Colin s'en ai aperçu : le fait que le cinéaste apparaisse dans le film montre par ailleurs comment il s’entend bien avec les comédiens sur le tournage : que ce soit devant ou derrière la camera, il est sérieux et fait des références musicales, il ne se cache pas.
A un moment, dans le film, je me suis dit : "Ce film là atterrit dans mes films fétiches", je l'ai senti, il y a certains films où je le sens, je me suis dit : "Il est trop bon, si il baisse de qualité tant pis mais je doute." et la seule chose que le film ai changé : c'est d'avoir pris un tournant dramatique et réaliste : on est étonnés que dans la dernière partie, le film délaisse quasiment ses inventions visuelles pour se concentrer sur le destin de ses personnages.
On note aussi les décors de meilleur qualité que dans "La science des rêves", même si les décors cartons pâtes semblent toujours là, Gondry a décidé de s'en servir pour en tirer une adaptation d'un livre qui lui en tenait a cœur. Mais le film derrière ses inventions et aux délires cache une réalité bien réelle : la maladie de Chloé est en fait un cancer.
Ce point de vue réaliste, dramatique est étonnant de la part de Gondry mais ce n'est pas son œuvre originale : il n'a fait que l'adapter. Une histoire comme celle-ci dans un monde comme celui-ci ne pouvait être qu'adapter par Gondry, il y a certaines évidences.
Le réalisme de Boris Vian est honnête : la vérité, c'est que derrière ses décors, il raconte une histoire très contemporaine, intemporel et éternelle. Il y a des histoires d'amours dont le pitch est si simple que vous pouvez l'adapter comme vous le souhaiter.
Boris Vian et Michel Gondry dans ses images nous transporte dans un univers fantaisiste ou tout semble possible mais où rien n'est facile pour les êtres humains, une réalité cruelle, déshumanisée où l'amour semble la seule forme d'humanisme, comme cette formidable scène, visiblement réellement tournée à Paris ou Chloé et Colin sont un espèce de manège dans une bulle qui les conduit où ils veulent : dans une bulle hors de ce monde, entre eux, dans cette bulle, ils sont protégés, a l’extérieur tout semble sombre et noir : en avance sur son temps, Boris Vian voyait déjà certaines choses et savait que l’humanité allait mal tourner, une vision pessimiste, voire atroce sur son monde, mais réaliste, hélas réaliste. Mais même dans leur bulle tout semble craindre, quand la moisissure entre dans un cœur, rien ne va plus.
Dans ce monde où tout semble possible, seul l'imaginaire peut survivre à toutes formes de cancers, heureusement que Gondry nous rappelle au drame humaniste au final.
J'ai déjà cité les bandes-originales très agréables et jolies, souvent appropriés bien que Duke Ellington saoule un peu. Étonner aussi que des chansons anglophones se trouve dans un film francophone : une des qualités du film, ne pas nous avoir encombrés de BO chiantes françaises mille et une fois entendues au cinéma.
Je n'ai pas mentionné la réalisation de Gondry, si sa mise en scène est relativement classique, il se permet certaines choses, comme des points de vues subjectifs ou des contre-champs même une formidable scène filmée a l’épaule étonnante ou parfois il s'immerge carrément dans ses personnages il les colle, il nous emmène avec eux et quand Chloé chope sa maladie : on voit à l’intérieur de son corps et aussi pendant une radio. Sa réalisation nous permet de nous plonger dans cet univers vraiment pas comme les autres, aussi réflexion sur l'imaginaire.
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le 8 août 2021
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