L'Empereur
6.5
L'Empereur

Documentaire de Luc Jacquet (2017)

Cours-y vite ! Le bonheur est sur la banquise...

En 2005, Luc Jacquet nous avait déjà transportés avec son film "La Marche de l'empereur", qui nous avait fait découvrir la vie héroïque des manchots empereurs, naissant sur la banquise et trouvant, on ne sait toujours pas comment, leur chemin vers la mer, élément nécessaire à leur subsistance.


Douze ans après, accompagnant la mission Antarctica, le réalisateur revient vers ces animaux, avec la jubilation palpable que l'on a à retrouver des amis, et expose, de manière plus intime, les conditions de leur venue au monde et de leur survie véritablement miraculeuse jusqu'à l'âge adulte. Et il nous ravit, au sens ancien du terme, où l'on pouvait parler des "loups ravissants" pour désigner la fâcheuse tendance de ces grands prédateurs à attraper et à emporter des animaux plus petits qu'eux. Pendant 1h22, on se retrouve ainsi rivés à la banquise immaculée de l'écran, subjugués par des paysages à couper le souffle, et infiniment émus par une aventure qui nous rappelle l'extrême fragilité de toute vie.


Le principe directeur de la démarche filmique semble être l'immersion. Le film s'ouvre en une plongée verticale sur la surface bleue dense de la mer, sur laquelle les jeux des manchots empereurs éveillent des diamants. On est surpris de leur vivacité, de leurs déplacements de vif argent, qui rendront plus criant le contraste lorsqu'on les retrouvera infiniment plus gauches sur la surface terrestre, tantôt cheminant comme des dignitaires prudents, tantôt glissant sur leur abdomen rebondi, en mode luge. Mais la caméra, amoureuse, s'approche aussi au plus près, s'enfonce dans leur plumage épais, qui semble à la fois fourrure et duvet. On fond, devant les salutations échangées lors des retrouvailles, face aux flexions si gracieuses d'un cou pourtant large et épais, face à l'inclinaison de la tête et à l'enfoncement si humble du long bec dans son propre poitrail. Rituel qui, pour l'œil profane qui est le nôtre, ne paraît pas si éloigné de celui qui nous est montré lors de la parade amoureuse... Et l'on voit là une profonde sagesse...


Même émotion admirative devant l'infinie délicatesse du couple pour faire passer l'énorme et unique œuf de l'un à l'autre, puisque celui-ci, couvé sur les pattes parentales, ne doit pas connaître longuement le contact avec le sol, sous peine d'une congélation fatale ; or il faut bien que les géniteurs puissent aller s'alimenter alternativement dans l'océan qui leur fournit leur subsistance.


On souffre avec eux, lorsque les tempêtes glaciales contraignent les manchots empereurs à se resserrer l'un contre l'autre et à former comme une grande tortue, d'où s'élèvent quelques cris plaintifs, au creux de la vallée où se produisent les naissances. Instinct de survie que les petits ne tardent pas à retrouver, lorsqu'ils sont assez grands pour être livrés à eux-mêmes, pendant que les parents sont partis pêcher. A la faveur de ces déplacements des adultes, on découvre que ce que l'on nomme, sous nos latitudes, "banquise", recouvre en réalité des paysages totalement différents, rarement plats et lisses comme la surface d'un iceberg, mais le plus souvent tourmentés, montueux, sculptés, au gré d'une variété qui n'en finit pas de changer selon la météorologie et qui aurait de quoi rendre fou, éperdu, le preneur d'images qui prétendrait recueillir toute la beauté du monde.


Enfin l'on s'attendrit et l'on se réjouit comme des parents, lorsque les petits accomplissent leur destin dans ce cadre somptueux et trouvent leur chemin vers l'eau qui les fera vivre.


On ressort de la salle les bras collés le long du corps, avec la furieuse envie de pouvoir clamer fièrement : "Nous sommes tous des manchots empereurs !"...

AnneSchneider
9
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le 8 févr. 2017

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Anne Schneider

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