L'Empire
5.6
L'Empire

Film de Bruno Dumont (2024)

La bête de la fin des temps, le Margat, a pris possession d’un bébé sur la Côte d’Opale, occasionnant la lutte entre les zéros, les forces du mal et les uns, les forces du bien. Ces forces sont des entités extra-terrestres qui ont pour projet de se battre pour la Terre.

Je ne connaissais pas le cinéma de Dumont, mais je connaissais sa réputation, presque sulfureuse, les critiques qu’il y avait autour de son cinéma. Je me suis un peu renseigné sur lui, sa vision du cinéma, les thématiques qu’il aborde. J’avais donc compris que la Bande-Annonce ne vendait pas bien le film. J’ai fait aussi preuve de curiosité en regardant Ma loute avant, que j’ai beaucoup aimé, pour me faire une première idée.

Et comme Ma Loute, j’ai beaucoup aimé le film. J’ai trouvé ça intéressant de se faire affronter, de manière frontale les forces du bien et les forces du mal. C’est d’autant plus intéressant qu’il arrive à ne pas rendre cela manichéen. C’en est presque ambigu par moment. En effet, ces deux forces se ressemblent vraiment. Les deux se prosternent devant leurs chefs, récitent de manière presque dogmatique un discours, les deux veulent envahir la Terre, même si ce n’est pas pour les mêmes raisons. Je reste dubitatif sur la forme des vaisseaux spatiaux, celui des forces du bien étant une église, et celui des forces du mal un château de type renaissance, comme celui de Versailles. De par l’ambiguïté, je pense que c’est surtout pour la blague, même s’il est vraisemblable qu’il y ait un discours sarcastique sur le dogme religieux, pour les vaisseaux des forces du bien.

Cette ambigüité est aussi montrée par la relation entre personnages de Jony, des forces du mal, et de Jane, des forces du bien. Il se développe des sentiments chez Jane envers Jony qui vont lui poser un vrai dilemme moral. Elle va même finir par céder à désirs dans une scène où Johnny et y est représenté tel un prédateur, car les désirs des deux sont radicalement différents. Il faut le dire, la scène peut paraître choquante dans sa mise en place, mais au final, je trouve ça cohérent avec l’idée de Dumont du cinéma qui purge le mal.

Mais par cette lutte du bien et du mal, de manière non manichéenne, le film se révèle très humain. Car oui, les humains ont toujours une lutte interne avec le bien et le mal entre eux. Par le biais de cette guerre qui se profile, Dumont créé de manière magistrale une montée en pression qui promet une bataille épique.

Mais, il n’en est rien, alors que les forces du bien et du mal passent à l’affrontement, un trou noir se forme et les forces du bien et du mal fusionnent dedans. Ça m’a surpris, mais je n’ai pas été déçu car j’ai trouvé la signification plus belle. D’autant plus que lorsqu’ils sont attirés par le trou noir, on voit les visages des membres du bien et du mal qui tournent et qui finissent par se mélanger, c’est très bien trouvé.

Pour le jeu des acteurs, c’est Dumont, donc le film fait la part belle aux amateurs. Evidemment, le jeu des acteurs est très variable. Mais pour les amateurs, je vois qu’ils donnent le meilleur d’eux même, et je trouve ça touchant. Par exemple, Brandon Vlieghe, qui joue Jony, s’en sort très bien, je trouve. J’ai presque oublié qu’il était amateur par moment. Si l’on prend par exemple Julien Manier, son jeu un peu gauche est très cohérent avec son rôle du side-kick maladroit d’Anamaria Vartolomei. Ce décalage rend d’ailleurs le film très drôle par moment. Cette scène ou Jony réunit les adeptes du mal à cheval où ils parlent de l’arrivée du magrat est de l’envahissement de la Terre avec un texte très premier degré délivré aussi mal m’a fait me pisser dessus de rire. Mais je ris avec le film car le texte dit comme ça parait limite débile, c’en est presque à se demander s’il serait crédible s’il serait bien joué. Et puis ça reste cohérent avec les visées dogmatiques du film. Lorsqu’on récite une leçon, il est normal d’hésiter, de trébucher, de le dire de manière mécanique. J’y ai vraiment vu plusieurs strates d’humour qui m’ont plu.

Les acteurs pros eux s’en sortent très bien. Après, je ne sais pas pourquoi, j’ai toujours eu du mal avec le jeu de Lyna Khoudri, c’est plus un goût personnel, mais ça se mélange bien ici. Anamaria Vartolomei est parfaite aussi en jeune femme battante mais en proie à ses problèmes moraux. Mais il faut reconnaître que Dumont a vraiment une qualité indéniable, il sait capter les regards des ses comédiens, amateurs comme pro, qui sont vraiment profonds, jamais vides, et sont cohérents avec ceux qu’ils sont. J’ai même trouvé que le bébé jouait bien, c’est pour dire.

C’est aussi sublimé par ses paysages de la côte d’opale, qu’on sent que Bruno Dumont aime filmer. Je ne sais pas comment il fait pour y capter une lumière pareille, mais les plans sont vraiment beaux. Je trouve qu’il y a un vrai soin à la composition des plans. Il faut dire aussi qu’ils sont parfois embellis par les effets spéciaux grandiloquents qui sont ici magnifiques. Le plan ou le personnage de Lucchini marche dans les jardins du vaisseau en forme de château avec en contrebas la plage et la mer m’a vraiment soufflé.

Alors oui, le film va laisser des personnes sur le carreau, c’est sûr, tant le style de Dumont est particulier. D’ailleurs, j’ai vu deux groupes personnes capituler et sortir avant la fin du film (craquage lors des deux scènes de sexe, ce qui m’a fait quand même rire, je le confesse), mais en ce qui me concerne, j’ai vraiment passé un très bon moment, car j’aime aussi l’humour barré, et le film n’en manque vraiment pas.

La-Grande-Lucarne
8

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Créée

le 26 févr. 2024

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