Je vais essayer de parler le mieux possible de ce film, parce qu'il y a énormément de choses à dire. Tout d'abord, depuis quelques temps, je me tue à trouver LA critique de L'Empire contre-attaque, celle qui expliquerait, précisément, en quoi ce film est ce qu'il est.
Et ce pour une raison très simple: j'ai fait l'erreur (car oui, je pense que c'est une erreur) de le découvrir à neuf ans. Et je pense que découvrir ce film à neuf ans, quand on est enfant, c'est en quelque sorte passer à côté: on est pas équipé intellectuellement pour comprendre sa complexité.
Là où ça devient dommageable, c'est que je dois maintenant "redécouvrir" le film et me libérer de mon avis vieux de dix ans qui est, comme toute chose venant de l'enfance, particulièrement ancré en moi. Le but est de répondre à cette question: comment reçoit-on ce film quand on est équipé pour le comprendre ?
D'où ma recherche de LA critique, celle qui expliquerait les mécanismes du film, et qui ainsi me donnerait matière à me construire un point de vue lui rendant justice.
Du coup, je vais timidement m'y essayer...
Et, plutôt que de survoler l'intégralité du film, je vais décortiquer (du moins, essayer) une de ses composantes; cette dernière étant représentative du reste du film et ce à coup sûr, puisqu'il s'agit ni plus ni moins que du personnage de Dark Vador. Je pense qu'on peut vraiment donner une idée du film par le biais de ce personnage et de son évolution (qui n'est jamais vraiment la même d'un film à l'autre d'ailleurs, si bien qu'on pourrait dire qu'il y a "trois" Dark Vador différents). Je commence donc:
Tout d'abord, il faut regarder l'évolution du personnage au regard de l'épisode IV. Le terme d'évolution est d'ailleurs inapproprié, on parlerait presque d'une rupture. Vador, dans Un Nouvel Espoir, c'est un pantin, c'est surtout rendu par la présence de Tarkin: il lui obéit au doigt et à l'œil, faisant du Moff son supérieur. La distance entre lui et les hautes sphères du pouvoir semble importante: il ne donne aucun ordre, il en reçoit et les exécute bêtement. Difficile de croire alors qu'il entretient un lien privilégié avec L'Empereur (on en vient même à se demander s'ils se sont déjà rencontrés).
L'Empire contre-attaque changera ça: on ne voit personne, mis à part l'Empereur, donner des ordres à Vador. On lui donne une plus grande liberté, il ne fait pas ce qu'il veut mais il le fait comme il le veut.
Cependant, et c'est là que ça devient intéressant, Vador reste malgré tout un esclave. Or, c'est un esclave à qui on dissimule le fait qu'il est un esclave, pour mieux lui faire accepter ce fait. Mais, si on imagine que Vador ait parfaitement conscient de ce stratagème, alors il joue le jeu parce qu'il veut lui aussi ressentir une sensation de liberté.
(Cependant, c'est uniquement parce que L'Empereur l'a voulu, que Vador a plus de liberté. Aussi, plus Vador agit librement, moins il est libre et plus il obéît: il ne fait qu'évoluer dans le cadre établi par son maître, et, ce faisant, il l'accepte.)
Ainsi, l'enjeu pour Luke dans Le Retour du Jedi sera de confronter son père à sa servitude, et donc, aussi au fait qu'il nie cette même servitude. Parce que oui, on peut aussi se demander pourquoi Vador accepte cette "liberté", alors qu'il sait qu'elle est illusoire. Pourquoi, s'il veut vraiment être libre, ne pas se libérer réellement de ses chaînes ? Et bien, parce qu'il perçoit sa servitude comme une punition, à laquelle il ne veut apparemment pas échapper: on peut donc percevoir la culpabilité, et donc l'humanité du personnage, simplement à partir de l'épisode V (preuve de sa profondeur vertigineuse).
Au final, en redéfinissant la place de Vador au sein de l'Empire, le film parvient à la fois à le diaboliser (le rôle de commandeur conférant à sa cruauté un terrain de jeu inédit) et à l'humaniser (l'acceptation de cette "promotion" lui permettant de nier sa condition). Dans ce cas précis, c'est d'autant plus brillant que la diabolisation du personnage engendre son humanisation: dans la cruauté de Vador se lit subtilement sa culpabilité (Sa montée en grade lui sert en fait à adoucir sa condition, pour qu'il puisse la supporter et ainsi pour mieux la faire durer, preuve de la culpabilité du personnage). Ainsi, le film confondant les concepts de diabolisation et d'humanisation, confond aussi ceux de mal et de bien (derrière sa montée en grade, derrière sa haine, se cache en fait sa culpabilité). Il nous apprend qu'il peut y avoir du bien dans du mal, et inversement (comme l'illustre le plan où Luke voit sa propre tête dans le casque de Vador). Et tout ça, à partir d'un seul film... La classe.
L'Empire contre-attaque emprunte ainsi des concepts philosophiques, ici celui de la liberté. Mais, encore une fois, je ne parle dans cette critique que du personnage de Dark Vador: celui de Yoda et les enseignements qu'il transmet à Luke ont, de façon encore plus évidente, une portée philosophique assumée (le Maître Jedi enseignant une forme de stoïcisme à son apprenti).
C'est tout à fait possible que ce que j'ai souhaité démontrer dans cette critique était une évidence pour tout le monde, mais dans ce cas là ça l'était au point que plus personne ne se sentait obligé de le rappeler. C'est la critique que j'aurais voulu lire: la démarche, qu'elle soit réussie ou non, est de questionner à nouveau un classique, qu'on ne questionne donc plus du tout. Ajoutez à cela le fait que la trilogie originale n'a pas aussi bien vieilli qu'on peut le croire (ce qui n'enlève rien à son charme, bien au contraire), et on se retrouve avec une saga qui finit peu à peu par prendre la poussière. D'où l'intérêt de décortiquer encore aujourd'hui les points forts des films, pour que jamais ceux ci ne perdent leur effet, et ce malgré le temps.